L’auteur du Traité d’athéologie dresse à demi-mot des passerelles avec les idées nationalistes, jusqu’à en légitimer certaines.
Irresponsabilité. Le pays de la polémique et de la dispute intellectuelles cheminerait-il, malgré lui, sur la voie étroite et mortifère de la souillure morale? La question, à la suite des agitations verbales de Michel Onfray et de quelques autres, mérite toute notre attention en tant que dépeçage de nos héritages – ce qui ne nous sied guère – et dissection de notre époque – ce qui s’avère utile. Nous n’écrirons pas, ici, que le créateur de l’université populaire de Caen prône l’apologie du Front nationaliste de Fifille-la-voilà et s’apprête à tourner sa casaque idéologique au point d’oublier sa qualité de philosophe libertaire qu’il revendique proudhonienne. Les faits nous enjoignent néanmoins à la contradiction. Quant aux mots, ses mots, ils peuvent nous laisser penser à une absence de maîtrise politique coupable, sinon à une dérive idéologique plus qu’inquiétante. Si Michel Onfray pense grosso modo que le FN défend la laïcité (alors que le FN préconise tout le contraire, l’ethnicisation d’une nation fantasmée), il vient, cette fois, de se ranger aux thèses de l’économiste Jacques Sapir, pour lequel les souverainistes de gauche et de droite, FN compris bien sûr, devraient s’unir pour mener la lutte contre l’euro et l’Europe. Qu’on en juge. «Sapir ne brouille pas les choses, il les éclaircit, déclare Onfray. L’idée est bonne de fédérer les souverainistes des deux bords. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon partagent nombre de positions. Mais il faut s’adresser à un individu au-dessus des partis qui serait capable de fédérer.»
Dans une récente et longue interview accordée au Figaro, qu’il faut lire très attentivement, l’auteur du Traité d’athéologie va beaucoup plus loin, comme si, par circonvolutions successives, il dressait à demi-mot des passerelles avec les idées nationalistes, jusqu’à en légitimer certaines. Quand Onfray dénonce ce qu’il appelle des «messes cathodiques» en faveur des immigrés qui feraient passer le sort des étrangers avant celui des Français qui souffrent, à quoi joue-t-il, lui, censément de l’autre bord, sinon à donner du crédit à l’odieuse rhétorique xénophobe d’une partie de la droite et son extrême? Son irresponsabilité ne s’arrête pas là. Le philosophe en déroute, dont le ressentiment semble ne plus avoir de borne, s’attaque tour à tour au «politiquement correct», à la «fausse gauche», aux journalistes, aux «intellectuels de cour» et à la «classe politique»… «Autant de notions dont on sait depuis longtemps que certaines ne brillent pas par leur tropisme de gauche», expliquait cette semaine l’historien Roger Martelli, dans un texte publié sur le site du magazine Regards. Ce dernier ajoutait: «Je suis convaincu que les balbutiements de certains intellectuels s’inscrivent dans une longue période intellectuelle dont le terme de droitisation n’épuise pas toutes les facettes, mais dit la direction essentielle.»
Désolation. Inutile de préciser que nous ne pensons pas que les intellectuels (il y en a tant d’autres) dérivent mécaniquement vers la droite et que la société française, dans son cœur universel, a définitivement changé de camp. Seulement voilà, nous constatons avec désolation que la thématique actuelle dominante, disons celle des intellectuels «médiatiques», est plutôt le «désir d’identité» versus le «désir d’égalité». Comme si la revanche des antidreyfusards – l’origine l’emporte sur le contrat – devait aujourd’hui se parer du sceau républicain, alors qu’elle est authentiquement antirépublicaine! Il n’y a pas forcément de dénominateur commun chez tous ces «penseurs mécontemporains». À tout le moins y aurait-il comme un air de famille. De la détestation de la modernité au ressentiment de la perte d’une France ethnocentrée, beaucoup d’entre eux attisent le pire: une sensibilité néomaurrassienne, pour ne pas dire contre-révolutionnaire.
Désolation. Inutile de préciser que nous ne pensons pas que les intellectuels (il y en a tant d’autres) dérivent mécaniquement vers la droite et que la société française, dans son cœur universel, a définitivement changé de camp. Seulement voilà, nous constatons avec désolation que la thématique actuelle dominante, disons celle des intellectuels «médiatiques», est plutôt le «désir d’identité» versus le «désir d’égalité». Comme si la revanche des antidreyfusards – l’origine l’emporte sur le contrat – devait aujourd’hui se parer du sceau républicain, alors qu’elle est authentiquement antirépublicaine! Il n’y a pas forcément de dénominateur commun chez tous ces «penseurs mécontemporains». À tout le moins y aurait-il comme un air de famille. De la détestation de la modernité au ressentiment de la perte d’une France ethnocentrée, beaucoup d’entre eux attisent le pire: une sensibilité néomaurrassienne, pour ne pas dire contre-révolutionnaire.
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 25 septembre 2015.]
Il y a une erreur typographique dans votre nom. Un facétieux a rajouté un "i".
RépondreSupprimerJe ne censurerai pas ce commentaire. Il est à lui seul à la hauteur de ce que vous devez être. J'en suis désolé pour vous.
RépondreSupprimerJED