mardi 3 février 2015

Nouveau rapport de forces en Europe?

Alexis Tsipras, engagé dans une tournée anti-austérité afin de compter ses soutiens en vue d’un allégement de la dette, pourra tester les yeux dans les yeux la sincérité de François Hollande.

Alexis Tsipras.
Souvenons-nous. Avant son élection, François Hollande voulait s’attaquer à la finance et réorienter l’Europe. Ces desseins n’étaient que des mots… Après avoir tenté, en vain, de rencontrer Hollande dès mai 2012 pour parler de l’avenir de l’Union européenne, Alexis Tsipras est invité ce mercredi à Paris par le président de la République. Le premier ministre grec, engagé dans une tournée anti-austérité afin de compter ses soutiens en vue d’un allégement de la dette, pourra tester les yeux dans les yeux la sincérité du chef de l’État français. Une manière de le mettre au pied du mur, de le rappeler à ses contradictions. Face à l’audace de la politique proposée par Tsipras, comment réagira François Hollande, dans sa volonté affichée d’aborder «l’ensemble des questions» soulevées par la nouvelle situation en Grèce? Continuera-t-il à s’aligner benoîtement sur Angela Merkel? Ou aura-t-il le courage d’ouvrir un vrai dialogue? Ce mercredi, la France sera observée comme jamais par les peuples européens: elle s’honorerait de rouvrir officiellement le débat.
 
Depuis la nomination du nouveau gouvernement grec, tout peut et doit s’accélérer pour précipiter un rapport de forces inédit. L’effritement des dogmes qui régissent le fonctionnement des institutions européennes est déjà visible, même chez les détenteurs du pouvoir, qui n’agissent jamais par bonté d’âme. Les choses changent tellement vite que la BCE envisagerait de se retirer de la «troïka», qui organise depuis des années non pas le sauvetage de la Grèce mais sa vente à la découpe. Alexis Tsipras ne transigera pas, il veut que son pays sorte de ce programme d’«assistance internationale» né par et pour l’austérité. Le FMI songerait également à en sortir. Résultat, la Commission européenne resterait seule au sein de cette structure jadis mortifère, bientôt moribonde. Jean-Claude Juncker réfléchirait, dit-on, à une «formule permettant un contrôle plus démocratique». Qui aurait cru cela envisageable il y a encore six mois, un an? Qui aurait cru que l’indispensable débat sur une refondation de la construction européenne elle-même serait, peut-être, à portée de main? 
 
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 4 février 2015.]
 

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