(La Grande Guerre, les débuts - 5/5) Joseph Joffre, chef d’état-major, comprend
que l’offensive vers Mulhouse est sur le point d’échouer. L’armée devra tôt ou
tard se replier « de la Somme aux Vosges ». Les Russes entrent
dans le conflit par une offensive. Lénine prépare la Révolution. Les écrivains
s’en mêlent.
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Mulhouse. |
En apparence, les informations qui s’égrènent sous ses yeux
s’avèrent contradictoires. Dans le halo d’une lumière jaunie par
l’incandescence déclinante des bougies, Joseph Joffre a compris. Nous sommes au
petit matin du 8 août 1914 et le chef d’état-major, dans le bureau de son QG
installé à Vitry-le-François, en Champagne-Ardenne, n’a quasiment pas dormi. Il
farfouille dans sa moustache machinalement, tirant sur ses poils blancs comme
pour les arracher un à un. Lui sait que l’offensive vers Mulhouse est sur le
point d’échouer. Les comptes-rendus militaires, formels, présentent un tableau
assez pessimiste. Alors que l’opinion publique française est entretenue dans la
conviction que leurs troupes tiennent la majeure partie du territoire belge, la
réalité est plus sombre. Hormis Anvers, qui n’est pas encore occupée par les
Allemands, tout le reste du pays va inexorablement tomber aux mains de
l’ennemi. Pour Joffre, la Belgique est perdue. Toutes les forces devront se
concentrer sur le territoire national.
Joseph Gallieni, qui sera bientôt nommé gouverneur militaire
de Paris, puis ministre de la Guerre, commente avec sévérité les actes de son
ancien subordonné. Pour lui, pas de doute, la capitale est déjà menacée, il faudra
prochainement exiler le gouvernement à Bordeaux. Quant à l’armée, elle devra
tôt ou tard se replier « de la Somme aux Vosges » pour défendre
l’essentiel et bloquer les Allemands coûte que coûte.