Le grand théologien suisse publie un livre sur le christ, dans lequel il prend le contre-pied des théories d'un certain Joseph Ratzinger...
Küng. Connaissez-vous
Hans Küng? Agé de 86 ans, le théologien suisse est considéré par les
progressistes chrétiens comme l’un des contestataires les plus importants
depuis les années 1970, toujours en marge d’une Eglise dont il conteste la
doctrine depuis qu’un certain Jean-Paul II a imposé une vision dogmatique de la
doctrine de la foi, aidé, comme chacun le sait, par son successeur, Benoît XVI,
redevenu Joseph Ratzinger. En 2012, Hans Küng avait ainsi publié un livre choc,
«Peut-on encore sauver l’Eglise»
(Seuil), dans lequel il dressait un bilan sans concession, quasi crépusculaire,
d’une institution aux frontières desquelles il est pourtant resté attaché, mais
à sa manière, avec une liberté de parole intacte et sans jamais rompre
totalement. L’élection de François Ier, il y a bientôt un an, a-t-elle tout
changé?
vendredi 28 février 2014
mardi 25 février 2014
Exception(s): la culture est-elle en danger?
L’investissement culturel doit-il être soumis à l’économie, au monde marchand et à une supposée croissance à plusieurs chiffres?
Culture. Cette fois, quelque chose dans l’air du temps nous pousse à y croire vraiment : et si la France, sans même s’en rendre compte, finissait par bazarder aussi son exception culturelle, après tant et tant d’années de luttes et de mobilisation collective? De baisses budgétaires en gel des crédits, de manque d’ambition en renoncements successifs, sans parler, bien sûr, du danger mortel que constitue le maudit traité Transatlantique de libre-échange, qui aurait pour conséquence de brader quelques pans entiers de la République régulatrice, la culture est belle et bien en danger. Parfois jusqu’à l’absurde… Avez-vous vu les réactions d’allégresse et les transports d’enthousiasme après le rapport des inspections des finances et de la culture qui vient de mettre en avant le fait que le secteur culturel était un « remarquable élément productif » de notre économie, comme si cette découverte constituait l’alpha et l’oméga de toute ambition? Pour comprendre l’«enjeu économique» (sic), l’exemple d’autres secteurs industriels fut même pris en exemple, comme l’automobile. «Formidable», a-t-on entendu, preuve, pour certains, que la «rentabilité» serait source de réconfort. Car voyez-vous, les «bonnes retombées économiques» justifieraient «les dépenses culturelles». Et personne ne s’indignerait de cette schizophrénie?
samedi 15 février 2014
Libé(s): ou comment bazarder son histoire
Les journalistes de Libération, depuis la création de leur quotidien avec Jean-Paul Sartre en 1973, ont-ils réussi à préserver les fondements philosophiques de leur naissance?
Engagement. Depuis Jean-Paul Sartre, le rapport du journal Libération à l’idée que certains journalistes se faisaient à la «grande époque» de leur propre «engagement» dans la société reste une question-clef d’autant plus pertinente, sinon urgente, que la situation de ce quotidien national créé en 1973 sous l’ombre tutélaire du philosophe est plus que jamais en péril. Vu de loin, mais d’assez près quand même pour se permettre une opinion, les journalistes d’ici-et-maintenant tentent depuis quelques jours de redonner sens et vie à cet idéal d’engagement qui fut à la source de leur réussite il y a quarante ans. L’atmosphère éruptive qui règne dans les couloirs de la rue Béranger, à Paris, comme si la vie s’était soudain transformée en «AG permanente», a quelque chose à la fois d’émouvant et de pathétique. L’oukase des actionnaires, Bruno Ledoux en tête, ne passe pas – et il ne peut pas passer. Ledoux présente le projet de la direction en ces termes: «Ce projet inscrirait Libération, non plus comme un seul éditeur de presse papier, mais comme un réseau social, créateur de contenus, monétisables sur une large palette de supports multimédias.» Vous avez bien lu. Monétisable ou rien.
Engagement. Depuis Jean-Paul Sartre, le rapport du journal Libération à l’idée que certains journalistes se faisaient à la «grande époque» de leur propre «engagement» dans la société reste une question-clef d’autant plus pertinente, sinon urgente, que la situation de ce quotidien national créé en 1973 sous l’ombre tutélaire du philosophe est plus que jamais en péril. Vu de loin, mais d’assez près quand même pour se permettre une opinion, les journalistes d’ici-et-maintenant tentent depuis quelques jours de redonner sens et vie à cet idéal d’engagement qui fut à la source de leur réussite il y a quarante ans. L’atmosphère éruptive qui règne dans les couloirs de la rue Béranger, à Paris, comme si la vie s’était soudain transformée en «AG permanente», a quelque chose à la fois d’émouvant et de pathétique. L’oukase des actionnaires, Bruno Ledoux en tête, ne passe pas – et il ne peut pas passer. Ledoux présente le projet de la direction en ces termes: «Ce projet inscrirait Libération, non plus comme un seul éditeur de presse papier, mais comme un réseau social, créateur de contenus, monétisables sur une large palette de supports multimédias.» Vous avez bien lu. Monétisable ou rien.
vendredi 14 février 2014
Origine(s): à propos de l'ordre moral...
Quand la doctrine économique des socialistes au pouvoir ressemble au concepts fondamentaux de la droite. Et quand la France maurrassienne ressurgit...
Marqueur. Les semaines passent et les mots nous manquent, en vérité, pour exprimer au plus près notre ressentiment devant ce qu’il convient non plus de nommer des «renoncements» ou des «changements de cap», voire des «trahisons», mais bien une défaite à l’Idée même de gauche dans ce que sa tradition a de plus hautement symbolique. Normal Ier ne déçoit pas, ou plus, il assume un libéralisme échevelé qui se rapproche tant des concepts fondamentaux de la droite du centre et de l’UMP que sa doctrine économique ressemble, sans exagérer, à un copier-coller des programmes nicoléoniens de 2012. Qui eut cru, quand même, que les références à Munich, à Jules Moch ou à Guy Mollet nous viendraient immanquablement à l’esprit en regardant s’activer un président socialiste qui a cessé de l’être, un premier ministre qui ne sert à rien, un ministre des Finances qui ne jure que par l’OMC, la troïka et le FMI, et un ministre de l’Intérieur – adieu le temps des cerises – qui est à peu près à la gauche ce que Hortefeux et Besson étaient aux idées progressistes, à l’époque de leur « gloire » ministérielle… Oui, nous avons mal.
Marqueur. Les semaines passent et les mots nous manquent, en vérité, pour exprimer au plus près notre ressentiment devant ce qu’il convient non plus de nommer des «renoncements» ou des «changements de cap», voire des «trahisons», mais bien une défaite à l’Idée même de gauche dans ce que sa tradition a de plus hautement symbolique. Normal Ier ne déçoit pas, ou plus, il assume un libéralisme échevelé qui se rapproche tant des concepts fondamentaux de la droite du centre et de l’UMP que sa doctrine économique ressemble, sans exagérer, à un copier-coller des programmes nicoléoniens de 2012. Qui eut cru, quand même, que les références à Munich, à Jules Moch ou à Guy Mollet nous viendraient immanquablement à l’esprit en regardant s’activer un président socialiste qui a cessé de l’être, un premier ministre qui ne sert à rien, un ministre des Finances qui ne jure que par l’OMC, la troïka et le FMI, et un ministre de l’Intérieur – adieu le temps des cerises – qui est à peu près à la gauche ce que Hortefeux et Besson étaient aux idées progressistes, à l’époque de leur « gloire » ministérielle… Oui, nous avons mal.
jeudi 13 février 2014
Bernard Chambaz: «Pédaler avant d’écrire, parce que pédaler c’est avancer, donc survivre»
Le dernier roman de Bernard Chambaz, Dernières Nouvelles du martin-pêcheur (Flammarion, 320 pages, 19 euros), nous emmène dans une traversée est-ouest des États-Unis à vélo. L’écrivain, les mains sur le guidon, part sur les traces de son fils cadet, Martin, mort tragiquement en 1992, et affronte à chaque page les apparitions de l’être disparu. Une littérature au sommet, celle du deuil et de la vie.
Partir à vélo, vingt ans après la mort de votre cadet, pour traverser les États-Unis d’est en ouest, est authentiquement une idée de cycliste. Or tous ceux qui vous connaissent bien savent que vous êtes un grand cycliste. Et pourtant, à la lecture de ce livre qui sera, quoi qu’il arrive, l’un des livres les plus importants de l’année 2014, on finit par se dire qu’il s’agit probablement d’une des plus incroyables expériences littéraires doublée d’un authentique exercice de style.
-Vous fallait-il un exploit physique pour atteindre à une telle incandescence des mots, sur un sujet particulièrement douloureux? En somme, pourquoi pédaler avant d’écrire?
Bernard Chambaz. Exploit physique, je n’irai pas jusque-là, même si 5 500 kilomètres à vélo en un mois et rouler par plus de 45 degrés à l’ombre quand il n’y a pas d’ombre finissent par faire une belle traversée ; incandescence des mots, je vous remercie, j’aimerais bien qu’il en soit ainsi car c’est vraiment ce que « la littérature » exige. Pédaler avant d’écrire est bien le fondement même de ce livre, parce que pédaler c’est avancer, donc survivre, parce que j’en ai fait l’expérience il y a vingt ans à la mort de notre fils, parce que je suis vraiment reparti à la rencontre de Martin, de ce qu’il était en quelque sorte « devenu », comme à la rencontre du livre, sans savoir à l’avance ce qu’il en adviendrait. Pédaler m’offrait le moyen idéal de me rapprocher de lui, par le songe, par la compagnie qu’il représenterait forcément tout au long de ces journées où je serai sur la route cinq à six heures. J’espérais que pédaler permettrait au roman de se mettre en place. Et c’est bien ce qui s’est passé. Dernières Nouvelles du martin-pêcheur aurait pu être un livre d’une immense tristesse, d’une insondable mélancolie. Ça l’est en quelque sorte, bien sûr, mais, j’ose affirmer que nous percevons au détour de ces pages comme une réconciliation avec la vie.
-Vous fallait-il un exploit physique pour atteindre à une telle incandescence des mots, sur un sujet particulièrement douloureux? En somme, pourquoi pédaler avant d’écrire?
Bernard Chambaz. Exploit physique, je n’irai pas jusque-là, même si 5 500 kilomètres à vélo en un mois et rouler par plus de 45 degrés à l’ombre quand il n’y a pas d’ombre finissent par faire une belle traversée ; incandescence des mots, je vous remercie, j’aimerais bien qu’il en soit ainsi car c’est vraiment ce que « la littérature » exige. Pédaler avant d’écrire est bien le fondement même de ce livre, parce que pédaler c’est avancer, donc survivre, parce que j’en ai fait l’expérience il y a vingt ans à la mort de notre fils, parce que je suis vraiment reparti à la rencontre de Martin, de ce qu’il était en quelque sorte « devenu », comme à la rencontre du livre, sans savoir à l’avance ce qu’il en adviendrait. Pédaler m’offrait le moyen idéal de me rapprocher de lui, par le songe, par la compagnie qu’il représenterait forcément tout au long de ces journées où je serai sur la route cinq à six heures. J’espérais que pédaler permettrait au roman de se mettre en place. Et c’est bien ce qui s’est passé. Dernières Nouvelles du martin-pêcheur aurait pu être un livre d’une immense tristesse, d’une insondable mélancolie. Ça l’est en quelque sorte, bien sûr, mais, j’ose affirmer que nous percevons au détour de ces pages comme une réconciliation avec la vie.
jeudi 6 février 2014
Gérard Mordillat: «Je perçois la condition féminine comme plus dramatique»
L’écrivain et cinéaste vient de publier un nouveau roman, Xenia (éditions Calmann-Lévy), dans lequel il raconte la vie de tous les jours de femmes humiliées par le monde du travail, qui décident d’organiser la résistance et la lutte sociale. Le roman comme outil, comme arme, pour mieux lire, mieux voir le monde réel...
Le tout nouveau roman de Gérard Mordillat, Xenia, nous embarque dans l’épopée en apparence ordinaire de deux femmes elles aussi «ordinaires», victimes à elles seules des souffrances de la vie quotidienne au travail, mais peu à peu héroïnes à plus d’un titre. Femmes et salariées de tous les jours, ballottées, exploitées par des logiques d’entreprise qui font peu cas de la vie des individus. Avec ce roman, Gérard Mordillat donne à lire, une fois encore, la réalité des «invisibles», celles et ceux qui en bavent, mais aussi celles et ceux qui finissent par s’organiser, par se révolter, et découvrent la puissance des formes collectives d’action par temps de révolte(s). Indispensable littérature...
-Votre roman Xenia (1) porte en exergue une phrase de Rimbaud: «Briser l’infinie servitude des femmes…»
Gérard Mordillat. Oui, cette phrase aurait pu être en exergue de tous mes livres précédents, l’Attraction universelle, les Vivants et les morts, Notre part des ténèbres, Rouge dans la brume, Ce que savait Jennie… Parce que, dans tous mes livres, s’il n’y a pas de «héros» au sens masculin du terme, il y a des héroïnes. Des femmes qui ont toutes en commun de lutter contre le sort qui leur est fait, contre l’injustice dont elles sont victimes. Xenia se situe absolument dans la même perspective, dans le même élan, la même révolte. Xenia, c’est Dallas, c’est Mado, c’est Gigi, c’est Anath, c’est Jennie…
-Vous avez plusieurs fois déclaré que vos livres (et vos films !) procédaient non pas d’un «sujet» mais d’une image fondatrice que vous cherchiez à expliquer à vous-même et aux lecteurs ou aux spectateurs… Quelle est l’image qui a suscité Xenia?
Gérard Mordillat. J’avais en mémoire qu’un samedi après-midi, en Grèce, les caissières d’un supermarché avaient toutes quitté leur caisse à l’heure H… Bien sûr, le supermarché avait été pillé mais le plus extraordinaire c’est que non seulement tout ce qu’il y avait sur les rayons avait été pris mais aussi les rayons, les caisses, les chaises, tout ce qu’il y avait dans le magasin ! Quand la police était arrivée, il ne restait plus que le sol et les murs. Je suis parti de là, de cette table rase qui, soudain, dégageant l’horizon permettait de voir la réalité du monde d’un œil neuf. Xenia, Blandine, Biglouche, Samuel, Gauvain, tous les personnages de mon roman sont venus occuper cet espace, en prendre possession. Je voulais montrer à la fois la puissance d’un mouvement populaire, sa capacité à tout remettre à plat, à zéro et surtout comment seule la solidarité peut couronner de succès de telles actions. Et tout cela grâce à la détermination, à l’énergie d’une jeune femme de vingt-trois ans que rien ne prédisposait à mener la bataille, sinon la violence quotidienne qui lui était faite.
Le tout nouveau roman de Gérard Mordillat, Xenia, nous embarque dans l’épopée en apparence ordinaire de deux femmes elles aussi «ordinaires», victimes à elles seules des souffrances de la vie quotidienne au travail, mais peu à peu héroïnes à plus d’un titre. Femmes et salariées de tous les jours, ballottées, exploitées par des logiques d’entreprise qui font peu cas de la vie des individus. Avec ce roman, Gérard Mordillat donne à lire, une fois encore, la réalité des «invisibles», celles et ceux qui en bavent, mais aussi celles et ceux qui finissent par s’organiser, par se révolter, et découvrent la puissance des formes collectives d’action par temps de révolte(s). Indispensable littérature...
-Votre roman Xenia (1) porte en exergue une phrase de Rimbaud: «Briser l’infinie servitude des femmes…»
Gérard Mordillat. Oui, cette phrase aurait pu être en exergue de tous mes livres précédents, l’Attraction universelle, les Vivants et les morts, Notre part des ténèbres, Rouge dans la brume, Ce que savait Jennie… Parce que, dans tous mes livres, s’il n’y a pas de «héros» au sens masculin du terme, il y a des héroïnes. Des femmes qui ont toutes en commun de lutter contre le sort qui leur est fait, contre l’injustice dont elles sont victimes. Xenia se situe absolument dans la même perspective, dans le même élan, la même révolte. Xenia, c’est Dallas, c’est Mado, c’est Gigi, c’est Anath, c’est Jennie…
-Vous avez plusieurs fois déclaré que vos livres (et vos films !) procédaient non pas d’un «sujet» mais d’une image fondatrice que vous cherchiez à expliquer à vous-même et aux lecteurs ou aux spectateurs… Quelle est l’image qui a suscité Xenia?
Gérard Mordillat. J’avais en mémoire qu’un samedi après-midi, en Grèce, les caissières d’un supermarché avaient toutes quitté leur caisse à l’heure H… Bien sûr, le supermarché avait été pillé mais le plus extraordinaire c’est que non seulement tout ce qu’il y avait sur les rayons avait été pris mais aussi les rayons, les caisses, les chaises, tout ce qu’il y avait dans le magasin ! Quand la police était arrivée, il ne restait plus que le sol et les murs. Je suis parti de là, de cette table rase qui, soudain, dégageant l’horizon permettait de voir la réalité du monde d’un œil neuf. Xenia, Blandine, Biglouche, Samuel, Gauvain, tous les personnages de mon roman sont venus occuper cet espace, en prendre possession. Je voulais montrer à la fois la puissance d’un mouvement populaire, sa capacité à tout remettre à plat, à zéro et surtout comment seule la solidarité peut couronner de succès de telles actions. Et tout cela grâce à la détermination, à l’énergie d’une jeune femme de vingt-trois ans que rien ne prédisposait à mener la bataille, sinon la violence quotidienne qui lui était faite.
lundi 3 février 2014
Contre l'obscurantisme: de la détermination !
Se souvenir des sourires et des poings dressés, de la confiance sans relâche de la force de nos convictions, car le progrès n’est pas rêve vide dans la matrice du «dessein intelligent» des hommes.
Les contrastes sont par définition saisissants. Mais ceux auxquels nous avons assisté, ce week-end, les yeux grands ouverts et la conscience en éveil, ont provoqué en nous des sentiments tellement inversés que nous avons oscillé entre, d’un côté, la joie philosophique de se retrouver autour de valeurs indiscutables qui conjuguent l’être-ensemble et l’épanouissement humain et, d’un autre côté, l’effroi d’un immonde pressentiment de dégoût quand des conservateurs, des ultraréactionnaires et des fascisants de toute espèce défilent ensemble.
Lumières ou ombres: deux visions du monde se sont opposées dans des défilés si différents que rien, absolument rien, ne peut les rapprocher. Samedi, à Paris, à Madrid et dans toute l’Europe, des dizaines de milliers de progressistes ont dénoncé les atteintes aux libertés des femmes et défendu le droit à l’IVG – et bien plus que cela en vérité. Hier, à Paris et à Lyon, des milliers d’illuminés de dieu et autres adulateurs d’obscurantisme, propagateurs de peurs en tout genre et de rejets de l’autre ont de nouveau souillé le pavé avec leur «Manif pour tous» et leur «Jour de colère», comme ils disent. Une fois encore, ce mouvement de revanchards fidèles aux vieux principes de la réaction nous lasse autant qu’il nous inquiète…
La honte... |
Lumières ou ombres: deux visions du monde se sont opposées dans des défilés si différents que rien, absolument rien, ne peut les rapprocher. Samedi, à Paris, à Madrid et dans toute l’Europe, des dizaines de milliers de progressistes ont dénoncé les atteintes aux libertés des femmes et défendu le droit à l’IVG – et bien plus que cela en vérité. Hier, à Paris et à Lyon, des milliers d’illuminés de dieu et autres adulateurs d’obscurantisme, propagateurs de peurs en tout genre et de rejets de l’autre ont de nouveau souillé le pavé avec leur «Manif pour tous» et leur «Jour de colère», comme ils disent. Une fois encore, ce mouvement de revanchards fidèles aux vieux principes de la réaction nous lasse autant qu’il nous inquiète…
dimanche 2 février 2014
Intime(s): vie privée, vie publique...
La frontière entre le privé et la sphère publique est-elle parfois difficile à circonscrire quand on se maintient dans une posture républicaniste qui ne prend pas tout à fait en compte le concept – discutable – de «démocratisation de l’intime»?
Privée. Vous aussi, vous êtes choqué par la mise en scène et en spectacle de la vie privée d’une actrice et d’un président? À la faveur de cette séquence médiatique assez pathétique, le philosophe Michaël Foessel, auteur du sublime la Privation de l’intime (Seuil, 2008), vient de rappeler opportunément les méfaits de l’illusion de la transparence comme symptôme d’un vieux fantasme, «parvenir à la vérité sur soi, à l’authenticité parfaite». Surtout avec le représentant de la nation, qui, censément, n’a pas de cœur mais un corps (le «corps du roi» – quelle horreur!) incarnant l’unité du peuple. Seulement voilà, «la représentation politique passe aussi par des phénomènes d’identification et de rejet» et le «cœur» d’un président peut se confondre avec son corps symbolique. «Il n’est alors pas très aisé de porter le discours de l’austérité et des sacrifices dans un tel contexte. Cela fait passer au second plan la question de la légitimité politique.» Preuve que la frontière entre le privé et la sphère publique reste parfois difficile à circonscrire quand on se maintient dans une posture républicaniste qui ne prend pas tout à fait en compte le concept – discutable – de «démocratisation de l’intime», tel qu’il fut formulé en 2004 par Anthony Giddens (la Transformation de l’intimité, Hachette littérature). Dans une démocratie, l’intimité est-elle, en droit, extérieur au domaine de compétence du débat public? La «privacy» états-unienne, par exemple, est de plein droit dans la sphère politique. De quoi s’en offusquer? Oui, bien sûr. Mais réfléchissons deux minutes.
Privée. Vous aussi, vous êtes choqué par la mise en scène et en spectacle de la vie privée d’une actrice et d’un président? À la faveur de cette séquence médiatique assez pathétique, le philosophe Michaël Foessel, auteur du sublime la Privation de l’intime (Seuil, 2008), vient de rappeler opportunément les méfaits de l’illusion de la transparence comme symptôme d’un vieux fantasme, «parvenir à la vérité sur soi, à l’authenticité parfaite». Surtout avec le représentant de la nation, qui, censément, n’a pas de cœur mais un corps (le «corps du roi» – quelle horreur!) incarnant l’unité du peuple. Seulement voilà, «la représentation politique passe aussi par des phénomènes d’identification et de rejet» et le «cœur» d’un président peut se confondre avec son corps symbolique. «Il n’est alors pas très aisé de porter le discours de l’austérité et des sacrifices dans un tel contexte. Cela fait passer au second plan la question de la légitimité politique.» Preuve que la frontière entre le privé et la sphère publique reste parfois difficile à circonscrire quand on se maintient dans une posture républicaniste qui ne prend pas tout à fait en compte le concept – discutable – de «démocratisation de l’intime», tel qu’il fut formulé en 2004 par Anthony Giddens (la Transformation de l’intimité, Hachette littérature). Dans une démocratie, l’intimité est-elle, en droit, extérieur au domaine de compétence du débat public? La «privacy» états-unienne, par exemple, est de plein droit dans la sphère politique. De quoi s’en offusquer? Oui, bien sûr. Mais réfléchissons deux minutes.