Depuis Gap (Hautes-Alpes).
Sublime virée est-ouest, hier, entre Vaison-la-Romaine et
Gap (168 km), sur un théâtre d’une fulgurante beauté assailli par la chaleur. Le
chronicoeur au volant a quitté le Ventoux à flanc de roche, l’apercevant une
dernière fois avant de l’abandonner subitement, mais définitivement, sur leur
droite. Le temps d’un modeste au-revoir aux dieux du cyclisme – comme pour nous
rappeler que le Tour n’était pas fini –, avant de nous enfoncer dans une zone
de fin silence où chaque exploit devrait être sculpté différemment, tant nous avions
l’impression de participer à une baudelairienne invitation à l’inconnue.
Trois
bosses se dressaient sous les roues des 179 rescapés : la côte de la
Montagne de Bluye (3e cat., 18e km) , avec un point de vue magistral
sur le Géant de Provence ; le col de Macuègne (2e cat., 48e
km) ; puis le Col de Manse (2e cat., 157e km), au sommet d'une
boucle qui s’annonçait décisive au-dessus de Gap.
Présentée comme la dernière étape offerte aux baroudeurs, il
n’y eut dont rien d’étonnant de retrouver vingt-six courageux, dont beaucoup de
Français, Coppel, Gallopin, Gautier, Voeckler, Jeannesson, Kadri, Riblon... Hélas,
à la faveur d’une attaque foudroyante, le Portugais Alberto Rui Costa
(Movistar), contrôlé positif en 2010 à la méthylhexanamine, parvint à s’extirper
et à s’envoler inexorablement vers une victoire en solitaire. A l’arrière, à
plus de dix minutes, le peloton était contrôlé par les Sky, Porte et Froome, néanmoins
secoués dans le Col de Manse par Contador en personne. Nous vîmes même
l’Espagnol à terre, dans un virage de l’ultime descente, manquant de peu
d’entraîner le maillot jaune dans son sillage. Chute apparemment sans dommage,
fruit d’une bagarre psychologique avant le contre-la-montre d’aujourd’hui (32
km dont deux côtes). Signalons qu’au moins deux leaders, le Néerlandais Ten Dam
(Belkin) et Jean-Christophe Péraud (AG2R), perdirent une minute dans ce final
agité…
Et à part ça? Toujours pas de victoire d’étape, mais
des fortunes diverses pour la France. Commençons par ce qu’il convient – paraît-il
– d’appeler «la fin de calvaire» de Thibaut Pinot, qui n’a pas pris
le départ. Le jeune leader et grimpeur de la FdJ, vainqueur d’étape et dixième
du général l’an dernier, traînait son âme en peine depuis la Corse, avant de
contracter une angine meurtrière, deux jours avant l’ascension du Ventoux. Son
chemin de croix devait s’arrêter, sauf à mettre inutilement en danger sa fin de
saison, sans parler de son état mental déjà assez défaillant comme ça. Pendant
ce temps-là, deux patrons d’équipes françaises avaient, eux, des raisons
d’afficher un large sourire. Les sponsors Europcar et AG2R-La Mondiale ont en
effet annoncé concomitamment qu’ils poursuivraient leurs collaborations avec
les deux formations tricolores. Jusqu’en 2015 pour le premier, 2016 pour le
second. Vincent Lavenu, le patron d’AG2R, résumait ainsi sa joie: «Une grande nouvelle pour le cyclisme
français.» Nous nous en contenteront pour l’instant.
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