Dans l’épaisseur du temps-long politique, les invariants historiques nous enseignent une donnée élémentaire: ceux qui vivent et travaillent dans les lieux de violence protéiforme du capitalisme redécouvrent, un jour ou l’autre, quelques vérités de classe, pour ne pas dire leurs valeurs de classe. Après cinq années d’une France à l’haleine fétide, où tant d’argent, tant de voyous en smoking, tant d’impudence et de grossièreté ont caractérisé toute la Sarkozye du haut en bas de l’appareil d’État et financier, les enseignements du second tour de la présidentielle laissent apparaître «des coupures sociologiques traditionnelles». Lisez: l’expression d’une sorte de vote de classe… La gauche est en effet redevenue majoritaire au sein des «couches populaires», ainsi nommées par la médiacratie. Le peuple a comme remis les pendules à l’heure, paraphant l’échec de Sarkozy de fédérer les plus modestes autour de ses thématiques ultra-droitières du «vrai travail». Ainsi, 70% des ouvriers ont voté à gauche dimanche. Mieux, l’ex-prince-président n’est majoritaire que chez ceux gagnant plus de 4 000 euros par mois. Tout un symbole.
Alors, vote de classe, oui ou non? La question a de quoi enthousiasmer – ou hanter, selon sa dose d’optimisme – tous les acteurs du Front de gauche qui ont participé à la campagne citoyenne de Jean-Luc Mélenchon. Une chose est sûre. Dans un contexte européen bouleversé par la défaite de Sarkozy et, concomitamment, par le score très élevé, en Grèce, de la coalition Syriza, espèce de Front de gauche locale, l’espoir ne doit pas être gâché. Au passage, notons que l’événement grec est beaucoup plus retentissant qu’on ne le croit. Non sans ironie, souvenons-nous des réactions pédantes voire hostiles des éditocrates lorsque Jean-Luc Mélenchon, dans ses meetings, annonçait que les Grecs pouvaient très bien, eux aussi, renverser la table. Nous y sommes!
Pour la France, l’enjeu est clair désormais : obtenir une majorité de gauche à l’Assemblée et faire en sorte que la dynamique, et le nombre de députés du Front de gauche élus, permette d’orienter très clairement cette nouvelle majorité vers des solutions de sortie de crise. Ne nous trompons pas. Ce vote dit « de classe » ne peut pas être déçu, une fois encore… Une grande partie du peuple de gauche, longtemps perdue parce que trahie par la mise en œuvre systématique d’une pédagogie du renoncement, se sent de nouveau concernée. Le Front de gauche, sans lequel François Hollande n’aurait pas été élu, a rallumé la lumière de la dignité et du combat. Comment imaginer l’à-venir sans elle?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 10 mai 2012.]
"...permette d’orienter très clairement cette nouvelle majorité vers des solutions de sortie de crise".
RépondreSupprimerLe capitalisme se définissant par son ingéniosité pour résoudre ses crises cycliques, souhaiter au nouveau gouvernement hollandais de trouver des solutions pour sortir de la crise actuelle, ne revient-il pas à lui demander de faire mieux que les gouvernements de droite pour pérenniser le système? (Si tant est que le gouvernement ait suffisamment de pouvoir pour orienter d'une manière ou d'une autre le cours des choses et la logique du capitalisme).