jeudi 22 mars 2012

Meurtres de Toulouse: se maintenir au-dessus de la haine...

Désormais, la grande tâche de tous les citoyens est de lutter contre les assimilations et les stigmatisations.

Capture d'image de Mohamed Merah.
Au croisement de l’intime et de l’universel, là où se disputent fracas et raison, répétons une vérité que nous savons plus sacrée que toute autre. Rien, jamais, ni ici ni ailleurs, ne justifiera la mort d’un enfant. Aucune cause, maintenant-et-demain, ne peut expliquer et encore moins légitimer qu’on puisse ôter froidement une jeune vie sans nier à l’humanité ce qu’elle a de plus précieux: son à-venir… Les meurtres inqualifiables qui viennent de bouleverser chaque citoyen dans sa conscience ne sont pas que les signes d’une haine meurtrière qui nous défie tous. Ils sont aussi les stigmates des folies d’une époque qui provoquent la République elle-même. Une époque où la division domine, où le rejet devient une habitude, où la montée des intolérances se transforme en autant 
de lieux communs dans les discours de nos gouvernants.

Le meurtrier présumé, Mohamed Merah, serait donc un Français ayant séjourné au Pakistan et en Afghanistan, passé «de la délinquance» à «l’islamisme radical». Cet assassin sans scrupule serait devenu un fou de dieu, comme il y en a tant, dans toutes les religions. Tous ces illuminés, sacrifiés de l’humiliation, se perdent à eux-mêmes, errent dans la terreur aveugle. Ils s’abritent derrière la cause des Palestiniens? Ils se trompent et trahissent le combat !
«Il est temps que ces criminels arrêtent de revendiquer leurs actes terroristes au nom de 
la Palestine et de prétendre défendre la cause de ses enfants, qui ne demandent qu’une vie décente, pour eux-mêmes et tous les enfants du monde», déclarait hier le premier ministre palestinien, Salam Fayyad. Il suffisait d’écouter, par ailleurs, les réactions des musulmans de France pour comprendre leur stupéfaction, leur colère. Mais aussi leurs craintes d’une stigmatisation de l’islam en tant que religion et des musulmans en tant que citoyens. Craintes depuis dépassées par les faits…

Ils étaient nombreux, qui, dans les secrets de leur aliénation xénophobe, espéraient que de semblables faits viennent perturber la campagne électorale. Faut-il s’étonner que Marine Le Pen n’ait même pas attendu la fin des opérations de police pour déverser sa haine? La chef du FN n’a pas hésité à mener une vaste opération de récupération en traitant de «salauds» le Front de gauche, SOS Racisme et même François Bayrou, avant de reparler de la peine de mort. Honte à elle! Le rejet de l’autre est une incitation à la haine et déjà une incitation à la violence. Les événements sont trop graves. Dans ce moment de douleur collective, l’indécence des petits calculs sera perçue comme telle.

Que Nicolas Sarkozy ne l’oublie pas. Paré de sa posture régalienne, il a retrouvé une exposition médiatique à son comble. Mais deuil 
et unité nationale deviennent vite hypocrisie et piège… Comme si les critiques sur son bilan devaient subitement se taire, comme si nous devions passer sous silence les insultes entendues depuis cinq ans, les discours de Dakar ou de Grenoble. Oui, nous avons ressenti de la gêne à voir Guéant en personne coordonner une traque. Non, Sarkozy n’est pas le mieux placé pour donner des leçons de droiture républicaine. Ce drame est aussi son échec: où était donc la capacité des grands «sécuritaires» à faire leur travail?

Alors? Désormais, la grande tâche de tous les citoyens est de lutter contre les assimilations et les stigmatisations. Transmettre et enseigner le minimum vital pour que le bien commun, la compassion et l’intelligence collective se tiennent résolument au-dessus de la haine, comme dressés contre les logiques du sang et du fer. Puis défier les maux du monde qui font flamber les croyances sombres. En somme, donner les connaissances nécessaires pour garder l’histoire «près de nous, mais devant nous», comme le disait Jacques Derrida.

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 22 mars 2012.]


5 commentaires:

  1. le 22.03.2012♦10♦|
    EL WATAN

    Patrick Weil.Historien de l’immigration
    Le tueur «s’est attaqué à l’intégration à la française»

    L’historien de l’immigration, Patrick Weil – auteur notamment de Etre Français : les quatre piliers de la République – estime, dans un entretien réalisé par l’AFP, que le «tueur à scooter» s’est attaqué au modèle français d’intégration, mettant en garde ceux qui voudraient tirer des «avantages électoraux» de cette affaire.

    - Les tueries de Toulouse et de Montauban sont attribuées à un jeune Français d’origine maghrébine se réclamant d’Al Qaîda. Quel sens donner à son acte ?

    Il s’est attaqué à ce qui fait la force et la particularité de la République française, d’abord construite et unifiée autour de valeurs communes et universelles – l’égalité ou la laïcité – représentées ici par une institution comme l’armée. Cela n’a jamais empêché le respect d’une certaine diversité, en l’occurrence une école confessionnelle. Il s’est attaqué à l’intégration à la française. Il s’est attaqué à des personnes qui symbolisent la République française dans ses piliers fondamentaux, son principe d’égalité et le respect de sa diversité. Cette République et ses traditions qui, tout à la fois unifient et respectent la diversité, doivent être défendues. C’est ce qui fait la force du pays, sa présence dans le monde et son caractère insupportable pour un certain nombre de gens qui veulent faire prévaloir leur loi de folie – individuelle ou de groupe – sur des institutions démocratiques et républicaines.



    - Quelle tournure la campagne électorale va-t-elle prendre désormais alors que l’immigration en a constitué jusque-là un thème majeur ?

    Je suis historien, pas prophète. Ce serait présomptueux de prédire les conséquences dans la campagne. Pour avoir été un de ceux qui, dès le début, n’ont pas voulu tirer de conclusion de l’acte eu égard aux thèmes de la campagne, je pense que ceux qui voudraient utiliser ces actes ignobles pour des avantages électoraux auraient tort. La seule réponse, c’est la réaffirmation des institutions et des valeurs de notre République. Tout calcul d’un autre ordre, dans ce moment de drame et de douleur collective que nous vivons, serait indécent et sera perçu comme tel par nos concitoyens.



    - Quelle doit être la réponse de la société ?

    En réaction à l’attentat horrible qui avait été commis en Norvège, le Premier ministre norvégien avait dit que ça n’empêcherait pas les Norvégiens de continuer à être ce qu’ils sont. Je pense qu’il faut que ce soit pareil pour les Français. Cela ne doit pas nous empêcher de continuer d’être ce que nous sommes, attachés au principe d’égalité de tous les citoyens, conjugué avec un certain respect de la diversité. La seule réponse, c’est la réaffirmation de ce que nous sommes.

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  2. Magnifique texte. De la hauteur. Bravo.

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  3. M Ducoin écrit " Le rejet de l’autre est une incitation à la haine et déjà une incitation à la violence"... Mais que fait-il lui même lorsqu'il affuble très souvent dans ces papiers le Président de la République du sobriquet de "Sarkoléon"? N'exprime-t'il pas en un mot la haine de son ennemi politique? N'incite-t-il pas ses lecteurs à une forme de violence? Bien sûr que si. La violence est constitutive des sociétés qui s'affrontent les unes les autres, comme s'affrontent depuis toujours les trois grandes versions textuelles de la Bible. Et ce, avec d'autant plus de violence et d'agressivité (voyez le sort des chrétiens en Irak ou en Égypte et bientôt en Syrie) que le monde entier voit une nouvelle religion, celle du capitalisme tardif exploser les systèmes sociaux traditionnels.

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  4. A l'internaute précédent.
    Non, je n'ai jamais utilisé l'expression "Sarkoléon", mais, en effet, j'utilise régulièrement le néologisme "Nicoléon" - exclusivement dans mon bloc-notes -pour parler de Nicolas Sarkozy. Ce que j'assume pleinement. Les mots valent parfois bien des discours.
    Par ailleurs, oui, je me range parmi les rousseauistes, éternellement rousseausiste. Et voyez-vous: fier de l'être!
    Amicalement.
    JED

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  5. Les vrais combats à mener

    Les vrais combats à mener
    En regardant les choses de près, on s'aperçoit que l'idéologie instillée aux peuples occidentaux, leur donne le soporifique de la supériorité pour faire diversion. Quelque part sans accepter leur position on peut la comprendre, car d'une façon irraisonnée ils ont peur de perdre leurs repères, culturels, religieux face à l'invasion des barbares. La faute incombe aux théoriciens, les savants, ces fameux Clercs qui avaient vocation à trahir et qui sont au service des princes. A côté d'eux, les lucides qui possèdent une âme universelle et qui regardent l'Homme dans son ensemble et non à partir de sa situation géographique ou son faciès.
    Les contingences électoralistes ont zoomé là où ça porte et on pense à tort que le fond rocheux du français de souche est intolérant. Il est vrai que les difficultés économiques font qu'on pense en priorité aux variables d'ajustement surtout s'ils sont noirs, basanés ou pire encore musulmans. Par temps de crise, Fernand Reynaud l'a dit: «L'étranger mange le pain des Français.» Cet étranger a été d'abord, l'Italien, le Portugais, le Polonais qui, par la suite, ont été absorbés par le corps social français parce qu'on le veuille ou non, la religion chrétienne ou non berce d'une façon invisible l'imaginaire des Français. Les beurs de la énième génération qui tiennent à leurs repères - qui ne mangent pas le cochon et ne boivent pas de vin - sont, naturellement, pointés du doigt. Cette apologie «de tous contre tous» en désignant sans discernement l'adversaire «total» comme étant ce pelé, ce galeux d'où viennent tous nos maux. En un mot comme en mille, cet Islam n'est accepté que s'il est invisible sans épaisseur. Le fait de diaboliser les musulmans est un contre-feux, il est contre-productif et surtout s'aliénera durablement qu'on le veuille ou non malheureusement, l'imaginaire des Français dits de souche - qui pourraient être sensibles au discours de la haine- vis à vis des Français allogènes...
    Il me semble que dresser les uns contre les autres est un combat d'arrière- garde et de diversion car les vrais problèmes sont ailleurs. Le vrai combat qui mérite d'être mené est de créer des solidarités inter-conditions sociales contre «l'ordre» établi. Un ordre qui ne fait pas de place aux petits, quelles que soient leurs latitudes. Que l'on ne se trompe pas, nos adversaires ne sont pas les besogneux de toutes conditions mais ceux qui vénèrent le Dieu argent qui broie tout sur son passage. Ce «money-théisme» laminoir fait fi des identités, des espérances, des apports civilisationnels de chacun pour le plus grand bien des puissants. Le discours de l'intolérance n'est que la partie immergée de l'iceberg. C'est un combat planétaire qui se joue, ne nous trompons pas de combat!c.e.chitour

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