« Il ne peut y avoir de révolution que là où il y a conscience. » JEAN JAURES
« De ce qui occupe le plus, c’est de quoi l’on parle le moins. Ce qui est toujours dans l’esprit, n’est presque jamais sur les lèvres. » PAUL VALERY
Que le voeu ardent d'un à-venir meilleur soit non seulement présent à notre esprit mais puisse s'exprimer sans honte ni crainte, dans la fidélité à nos idées et à ce que nous sommes, dans l'invention sans cesse enracinée d'un horizon possible, et surtout collectivement...
(A plus tard...)
samedi 31 décembre 2011
mercredi 21 décembre 2011
SOS logement !
Se loger n’est plus un droit mais un luxe – et, pour certains, une totale impossibilité. Pourtant, 450 milliards d'euros de profits en 30 ans ont été réalisés par les spéculateurs de l'immobilier...
A qui profite la hausse continue des prix de l’immobilier, 107% en dix ans? A qui profite la hausse des loyers, 42% depuis l’an 2000? En somme, qui s’en met plein les poches alors que l’accès au logement, en ce début de XXIe siècle, reste une véritable honte nationale? D’après une étude éloquente que nous publions en exclusivité, la Plate-forme logement des mouvements sociaux, collectif regroupant 37 organisations, répond à ces interrogations légitimes. En trente ans, bailleurs, marchands ou administrateurs de biens et autres agences immobilières se sont enrichis à hauteur de 450 milliards d’euros – vous avez bien lu! La spéculation les a engraissés de manière exponentielle. Durant la même période, les classes populaires, elles, se sont enfoncées dans la paupérisation et la peur du lendemain…
Le croyez-vous? L’an dernier, près de 65 milliards d’euros de «profits monétaires» (sic) ont été réalisés en France par les locations de logements, de locaux à usage professionnel, ou par certaines activités «d’intermédiation sur le marché immobilier» (re-sic). La jungle de la sacro-sainte «loi du marché» a produit son désastre… Jadis facteur d’intégration sociale et d’élévation républicaine, pilier du vivre-ensemble et de la cohésion familiale, le logement est devenu l’un des marqueurs les plus signifiants des nouvelles inégalités. Toutes les digues ont été enfoncées et sous les effets de la crise sociale qui labourent les entrailles de la société, la situation a dépassé la cote d’alerte. Les dernières statistiques, délivrées par la Fondation Abbé-Pierre, ont de quoi nous stupéfier. Environ quatre millions de personnes seraient actuellement des «mal-logées» dans notre pays, dont 700 000 enfants… N’oublions pas d’ajouter à ce constat les deux millions de personnes officiellement fichées pour des «impayés», sans parler des quelque sept millions en situation dite de «réelle fragilité»…
L’évolution donne le vertige. En moins de dix ans, les Français ont subi plus de 110% d’augmentation du prix de l’ancien, plus de 85% du neuf, plus de 50% sur les loyers à la relocation. Par la force des choses, le logement est devenu, et de très loin, le premier poste du budget des ménages, alors qu’il ne représentait que 13% dans les années quatre-vingt. L’Insee déclare officiellement que, en une décennie, toutes populations confondues, le prix des logements a augmenté de 25,7%, tandis que les revenus des ménages ont baissé de 2%. Se loger n’est plus un droit mais un luxe – et pour certains une totale impossibilité sur le long terme. Car le contexte pré-2012 est connu… En décrétant son deuxième plan d’hyper-austérité en trois mois, le gouvernement a décidé de poursuivre son objectif prioritaire : la maîtrise des déficits publics et la réduction des budgets, en faisant porter l’effort sur les salariés. Le logement est l’une des principales victimes de ces logiques budgétaires et idéologiques, à commencer par le logement social – il en manque un million ! –, éternel parent pauvre des politiques publiques de l’État UMP. D’ailleurs, en 2012, les aides à la construction dégringoleront de 13,2% et les organismes HLM se verront encore ponctionnés de 240 millions d’euros sur leurs fonds propres. L’implacable stratégie néolibérale est à l’œuvre : favoriser les privilèges d’une minorité sur l’intérêt collectif et les besoins cruciaux du plus grand nombre. Pourtant, tous ceux qui vivent dans les quartiers populaires le savent, la situation faite au logement aggrave mécaniquement les politiques d’atomisation sociale… Une véritable insulte à l’idée républicaine !
A qui profite la hausse continue des prix de l’immobilier, 107% en dix ans? A qui profite la hausse des loyers, 42% depuis l’an 2000? En somme, qui s’en met plein les poches alors que l’accès au logement, en ce début de XXIe siècle, reste une véritable honte nationale? D’après une étude éloquente que nous publions en exclusivité, la Plate-forme logement des mouvements sociaux, collectif regroupant 37 organisations, répond à ces interrogations légitimes. En trente ans, bailleurs, marchands ou administrateurs de biens et autres agences immobilières se sont enrichis à hauteur de 450 milliards d’euros – vous avez bien lu! La spéculation les a engraissés de manière exponentielle. Durant la même période, les classes populaires, elles, se sont enfoncées dans la paupérisation et la peur du lendemain…
Le croyez-vous? L’an dernier, près de 65 milliards d’euros de «profits monétaires» (sic) ont été réalisés en France par les locations de logements, de locaux à usage professionnel, ou par certaines activités «d’intermédiation sur le marché immobilier» (re-sic). La jungle de la sacro-sainte «loi du marché» a produit son désastre… Jadis facteur d’intégration sociale et d’élévation républicaine, pilier du vivre-ensemble et de la cohésion familiale, le logement est devenu l’un des marqueurs les plus signifiants des nouvelles inégalités. Toutes les digues ont été enfoncées et sous les effets de la crise sociale qui labourent les entrailles de la société, la situation a dépassé la cote d’alerte. Les dernières statistiques, délivrées par la Fondation Abbé-Pierre, ont de quoi nous stupéfier. Environ quatre millions de personnes seraient actuellement des «mal-logées» dans notre pays, dont 700 000 enfants… N’oublions pas d’ajouter à ce constat les deux millions de personnes officiellement fichées pour des «impayés», sans parler des quelque sept millions en situation dite de «réelle fragilité»…
L’évolution donne le vertige. En moins de dix ans, les Français ont subi plus de 110% d’augmentation du prix de l’ancien, plus de 85% du neuf, plus de 50% sur les loyers à la relocation. Par la force des choses, le logement est devenu, et de très loin, le premier poste du budget des ménages, alors qu’il ne représentait que 13% dans les années quatre-vingt. L’Insee déclare officiellement que, en une décennie, toutes populations confondues, le prix des logements a augmenté de 25,7%, tandis que les revenus des ménages ont baissé de 2%. Se loger n’est plus un droit mais un luxe – et pour certains une totale impossibilité sur le long terme. Car le contexte pré-2012 est connu… En décrétant son deuxième plan d’hyper-austérité en trois mois, le gouvernement a décidé de poursuivre son objectif prioritaire : la maîtrise des déficits publics et la réduction des budgets, en faisant porter l’effort sur les salariés. Le logement est l’une des principales victimes de ces logiques budgétaires et idéologiques, à commencer par le logement social – il en manque un million ! –, éternel parent pauvre des politiques publiques de l’État UMP. D’ailleurs, en 2012, les aides à la construction dégringoleront de 13,2% et les organismes HLM se verront encore ponctionnés de 240 millions d’euros sur leurs fonds propres. L’implacable stratégie néolibérale est à l’œuvre : favoriser les privilèges d’une minorité sur l’intérêt collectif et les besoins cruciaux du plus grand nombre. Pourtant, tous ceux qui vivent dans les quartiers populaires le savent, la situation faite au logement aggrave mécaniquement les politiques d’atomisation sociale… Une véritable insulte à l’idée républicaine !
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 21 décembre 2011.]
(A plus tard...)jeudi 15 décembre 2011
Souveraineté(s) : pourquoi il s'agit d'un combat de gauche
Septembre 1792 : la bataille de Valmy... |
Hors-sol. Faut-il toujours «se vouer à» pour pouvoir demeurer «dans»? Nous sommes, nous autres Français, héritiers d’une terre ferme martelée par l’histoire. Nous entretenons même avec les limites de cette terre «une et indivisible» un rapport si émotionnel que le symbolique voisine avec le sacré. Les hommes en ont forgé la matrice. Du traité de Nimègue à l’universalité du Code civil, de Valmy au Conseil national de la Résistance, de Robespierre à Jaurès, de Jean Moulin à de Gaulle, de la Révolution au Front populaire, nous parlons depuis «le sol sacré de la patrie» avec au cœur et à l’âme d’autant plus de vulnérabilités que le consommer-monde a remplacé l’esprit de nos cantons et l’horizon de nos clochers. Ce que nous portons, nous les descendants de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne peut rester encoffré aux Archives nationales avant mise en dépôt au mont-de-piété. Si le hors-sol nous guette, les no man’s land nous troublent. Quand nous ne savons plus qui nous sommes, ce que nous avons fait pour le devenir, ce que nous voulons faire et ce que nous sommes capables de décider pour notre à-venir, sommes-nous encore ce que nous croyons être et, tout aussi grave, sommes-nous déjà «mal» avec tout le monde?
Nôtres. Ainsi, oser parler encore de souveraineté serait «dangereux» car mécaniquement synonyme de «repli national», voire pire. L’éditocrate libéral – qui lui non plus n’a plus de frontières – l’exige. «Souveraineté nationale» : expression interdite. «Souveraineté(s) populaire(s)»: formule à peu près acceptable, mais à usage limité et seulement au pluriel… Et à votre avis, pourquoi serions-nous soumis à cette restriction de langage? En raison de la «lepénisation des esprits», pardi. Comme si la question de la patrie et de la nation devait être considérée désormais comme un sujet préempté par les nationalistes… Ce serait donc cela? Au prétexte que l’extrême droite capitalise sur ce thème, mange à tous les râteliers et n’hésite pas à opérer des virages doctrinaux à 180 degrés (passant de l’ultralibéralisme des années 1980 au tout-social d’aujourd’hui) pour mieux piller (et outrageusement déformer) des idées de la gauche de transformation, il faudrait en rabattre sur nos prétentions?
Asservissement. Mondialisation: désigne un état du monde où les externalités ont atteint de telles portées et de telles intensités qu’elles rendent nécessaires des formes de gestion supranationales. Globalisation: désigne le processus de gouvernance mondiale visant à la déréglementation du plus grand nombre de marchés possibles avec la plus grande extension possible. La mondialisation des techniques et des échanges permet l’hégémonie de la gouvernance globale. Question: que signifient aujourd’hui vouloir réduire les flux de marchandises et de capitaux, relocaliser les systèmes productifs, stopper la concurrence entre travailleurs du monde, valoriser la diversité des savoirs et des pratiques sociales, assurer la souveraineté alimentaire des peuples ? Est-ce «démondialiser»? Est-ce «déglobaliser»? Est-ce reconquérir «de la» souveraineté? Et vouloir «produire français», est-ce revendiquer cette souveraineté? Nous le constatons, la modernité de l’idée même de souveraineté, au sens conceptuel du terme, ne peut être balayée du jour au lendemain. Pour toute communauté humaine, être maître de son destin reste constitutif de son horizon historique et politique, l’une des données cardinales. Ignorer cet invariant dans le temps-long ou, plus grave, le bafouer sans autre possibilité que d’assister à la dépossession progressive de son être-collectif sans aucune proposition de re-création (mais laquelle justement?) constitue une forme d’humiliation. Pour ne pas dire un asservissement. Le peuple français, fils des luttes et des places de grève, enfant de Jaurès et d’Hugo, acceptera-t-il encore longtemps de ne plus orienter lui-même ses éléments fondamentaux?
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 16 décembre 2011.]
(A plus tard...)
dimanche 11 décembre 2011
L'Europe risque de tout perdre...
S’il était imposé aux peuples, le pacte conçu par l’axe Berlin-Paris vendredi 9 décembre consacrerait l’Europe «austéritaire».
«Et si le pire était derrière nous?» Depuis l’accord conclu par le Conseil européen, vendredi à Bruxelles, quelques commentateurs de la médiacratie n’hésitent pas à prendre leurs désirs pour des réalités. Ainsi donc, à l’issue du seizième sommet «de la dernière chance» depuis le début de la crise, les Européens pourraient pousser un «ouf» de soulagement… La bonne blague! Même Angela Merkel, à qui l’on prête l’hégémonie morale sinon technique de l’accord, ne le cache pas: «On ne réglera pas la crise en un seul sommet.» Une conviction bien pertinente. Car si le pacte intergouvernemental imposé par l’axe Berlin-Paris devait aboutir dans quelques semaines, avec son ultrarigueur budgétaire et un rôle de pare-feu accru confié au FMI, autant dire qu’il signerait une nouvelle victoire des marchés sur les peuples tout en consacrant l’Europe «austéritaire» qui nous conduit tout droit à la catastrophe. Vingt ans après la signature de Maastricht, le «traité» de Bruxelles graverait dans le marbre l’union économique. Pas n’importe laquelle: celle de la génuflexion devant les dictateurs de la finance!
L’enjeu est absolument majeur. Tandis que les puissants de ce monde œuvrent activement dans l’ombre pour reféodaliser les États-nations et anéantir définitivement ce qu’il reste des souverainetés populaires, l’OPA hostile des financiers sur les démocraties est d’autant plus insupportable que la Sainte-Alliance entre Merkel et Sarkozy contre les peuples ne vise précisément qu’à «rassurer les marchés», comme s’il s’agissait désormais de l’unique pierre philosophale de toute vision politique au XXIe siècle! «Merkozy», ce couple infernal issu de l’ordo-libéralisme, mettra tout en œuvre pour passer outre l’anticonstitutionnalité de leurs propositions, en France comme en Allemagne. Leur ligne de conduite? L’opacité. Leur stratégie? Un 18 brumaire à l’échelle de l’UE. Leur but? L’inégalité. Et leur principale victime? L’Europe, dont le rêve se meurt. Soumis au diktat de l’internationale de la finance qui installe son propre personnel à la tête des gouvernements, bientôt les Européens eux-mêmes en détesteront jusqu’à l’idée. L’Europe risque de tout perdre, mais sachez-le.
Nous n’avons pas à nous excuser d’avoir eu mille fois raisons depuis l’acte unique, comme nous avions aussi raison, en 2005, d’anticiper les conséquences dramatiques du traité constitutionnel, ripoliné en traité de Lisbonne. Et cette fois encore, nous n’avons pas tort d’affirmer avec force que les décisions prises vendredi à Bruxelles ne vont pas résoudre la crise: elles vont l’aggraver! La négation de l’opposition capital-travail est une impasse tragique – les socialistes feraient bien d’y réfléchir – et l’austérité constitutionnalisée va plonger les peuples dans la misère, risquant de déboucher sur une crise sociale aux multiples scénarios. Récession économique se conjugue souvent avec régression démocratique…
Petit rappel pour l’histoire. En 1945, la France affichait une dette de 145% de son PIB. Moins de trente ans plus tard, notre nation s’enorgueillissait d’en avoir remboursé le dernier franc. Cet effort sans précédent fut possible par une politique de croissance soutenue, par le lancement de grands programmes industriels et infrastructurels, par le rôle pivot et actif de la Banque de France, etc. Précisons que cette ambition ne se réalisa pas par la réduction des prestations sociales mais au contraire par leur généralisation, arrachée de hautes luttes! Et l’on voudrait aujourd’hui nous faire avaler l’inflexibilité de la BCE, la poursuite de la libéralisation sauvage et des privatisations, voire l’inéluctabilité de notre déclin social? Qu’on se le dise. Il n’en est pas question!
(A plus tard...)
«Et si le pire était derrière nous?» Depuis l’accord conclu par le Conseil européen, vendredi à Bruxelles, quelques commentateurs de la médiacratie n’hésitent pas à prendre leurs désirs pour des réalités. Ainsi donc, à l’issue du seizième sommet «de la dernière chance» depuis le début de la crise, les Européens pourraient pousser un «ouf» de soulagement… La bonne blague! Même Angela Merkel, à qui l’on prête l’hégémonie morale sinon technique de l’accord, ne le cache pas: «On ne réglera pas la crise en un seul sommet.» Une conviction bien pertinente. Car si le pacte intergouvernemental imposé par l’axe Berlin-Paris devait aboutir dans quelques semaines, avec son ultrarigueur budgétaire et un rôle de pare-feu accru confié au FMI, autant dire qu’il signerait une nouvelle victoire des marchés sur les peuples tout en consacrant l’Europe «austéritaire» qui nous conduit tout droit à la catastrophe. Vingt ans après la signature de Maastricht, le «traité» de Bruxelles graverait dans le marbre l’union économique. Pas n’importe laquelle: celle de la génuflexion devant les dictateurs de la finance!
L’enjeu est absolument majeur. Tandis que les puissants de ce monde œuvrent activement dans l’ombre pour reféodaliser les États-nations et anéantir définitivement ce qu’il reste des souverainetés populaires, l’OPA hostile des financiers sur les démocraties est d’autant plus insupportable que la Sainte-Alliance entre Merkel et Sarkozy contre les peuples ne vise précisément qu’à «rassurer les marchés», comme s’il s’agissait désormais de l’unique pierre philosophale de toute vision politique au XXIe siècle! «Merkozy», ce couple infernal issu de l’ordo-libéralisme, mettra tout en œuvre pour passer outre l’anticonstitutionnalité de leurs propositions, en France comme en Allemagne. Leur ligne de conduite? L’opacité. Leur stratégie? Un 18 brumaire à l’échelle de l’UE. Leur but? L’inégalité. Et leur principale victime? L’Europe, dont le rêve se meurt. Soumis au diktat de l’internationale de la finance qui installe son propre personnel à la tête des gouvernements, bientôt les Européens eux-mêmes en détesteront jusqu’à l’idée. L’Europe risque de tout perdre, mais sachez-le.
Nous n’avons pas à nous excuser d’avoir eu mille fois raisons depuis l’acte unique, comme nous avions aussi raison, en 2005, d’anticiper les conséquences dramatiques du traité constitutionnel, ripoliné en traité de Lisbonne. Et cette fois encore, nous n’avons pas tort d’affirmer avec force que les décisions prises vendredi à Bruxelles ne vont pas résoudre la crise: elles vont l’aggraver! La négation de l’opposition capital-travail est une impasse tragique – les socialistes feraient bien d’y réfléchir – et l’austérité constitutionnalisée va plonger les peuples dans la misère, risquant de déboucher sur une crise sociale aux multiples scénarios. Récession économique se conjugue souvent avec régression démocratique…
Petit rappel pour l’histoire. En 1945, la France affichait une dette de 145% de son PIB. Moins de trente ans plus tard, notre nation s’enorgueillissait d’en avoir remboursé le dernier franc. Cet effort sans précédent fut possible par une politique de croissance soutenue, par le lancement de grands programmes industriels et infrastructurels, par le rôle pivot et actif de la Banque de France, etc. Précisons que cette ambition ne se réalisa pas par la réduction des prestations sociales mais au contraire par leur généralisation, arrachée de hautes luttes! Et l’on voudrait aujourd’hui nous faire avaler l’inflexibilité de la BCE, la poursuite de la libéralisation sauvage et des privatisations, voire l’inéluctabilité de notre déclin social? Qu’on se le dise. Il n’en est pas question!
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 12 décembre 2011.]
(A plus tard...)
jeudi 8 décembre 2011
Surveillance(s) : quand les libéraux deviennent fous...
Qu'y a-t-il de commun - ou de skyzophrène - entre les larmes d'une ministre italienne et les agissements d'une agence de notation ?
Larmes. Se souviendra-t-on des sanglots d’Elsa Fornero, ministre italienne des Affaires sociales? Au côté du nouveau président du Conseil, Mario Monti, cette dame d’apparence austère aux cheveux droits tirés sur les oreilles, par ailleurs vice-présidente de la banque Intesa Sanpaolo (sic), présentait dans le détail le nouveau plan de rigueur. Un à-venir social terrible pour ses compatriotes, dont elle semblait prendre la mesure à chaque énumération, comme une sorte de révélation progressive mise en abyme, comme si, derrière la froideur des chiffres et la pâleur des mots, des êtres prenaient soudain forme humaine dans le désarroi d’une matérialisation enfin palpable. Alors, sans prévenir, la voix de cette femme s’érailla, dérailla… La tentation fut grande de croire à un stratagème, à une comédie, à une tragedia dell’arte faussement surjouée à destination d’une vox populi y perdant son latin. Dans cette désarmante scène de la vie politique, une ministre a gémi – et les marchés ont souri. Triste à pleurer. Les apparences sont-elles trompeuses?
Fin. Connaissez-vous le très sérieux et influent Conseil européen des relations étrangères, élu «meilleur nouveau think tank dans le monde sur les cinq dernières années»? Basé à Londres et disposant d’antennes en Europe, cette structure a pour but de favoriser une perspective paneuropéenne dans les débats économiques et politiques. Cette semaine, la représentante d’un de ses bureaux les plus influents, celui de Berlin, a décidé de sortir de l’ombre en nous adressant une missive sur le thème : «Français, à vous de jouer!» Ulrike Guérot, auteur d’une thèse sur le Parti socialiste français, diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris avant de partir enseigner dans le privé aux États-Unis, prône ouvertement une harmonisation fiscale et politique des deux côtés du Rhin. Mais cette dame n’a ni le temps ni le goût de la nuance. «Que ce soit clair, déclare-t-elle. Oui, ce sera la fin des 35 heures, la fin de la retraite à soixante ans, la fin de “travailler moins pour vivre mieux”. Et ce n’est pas la faute des Allemands, mais parce que nous sommes en train d’intégrer quelque deux milliards de personnes dans le marché global du travail.» Et elle ajoute: «L’Europe le vaut.» Moralité, écoutons toujours attentivement les technocrates, ils expriment très consciemment la pensée stratégique inconsciente de ceux qui nous gouvernent.
Allemagne. Ces mêmes technocrates n’hésitent pas à affirmer que la crédibilité de l’euro ne peut se jouer que sur le terrain de l’apolitique. Est-ce l’ambition de l’Allemagne? Doit-on y voir une politique bismarckienne? Ou plutôt le retour d’un des courants les mieux établis du libéralisme, l’ordolibéralisme, né dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres et théorisé sous le nom «d’économie sociale de marché»? Et est-ce si incongru d’établir un parallèle entre la posture idéologique d’Angela Merkel et celle suivie au moment de la grande dépression par Heinrich Brüning, chancelier (trop méconnu) de 1930 à 1932? Le trouble historique a de quoi imposer la réflexion. Car Brüning, contournant le Parlement de l’époque, imposa par décret d’urgence une politique absolument radicale d’austérité qui lui valut le surnom de «chancelier de la faim»: baisse des salaires, réduction des indemnités, coupes drastiques dans les dépenses publiques, politique monétaire restrictive par peur de l’inflation, démantèlement de l’État social, affaiblissement de la République de Weimar, etc. Inutile ici d’en réécrire les conséquences… Et aujourd’hui, au nom de doctrines libérales quasi fanatiques, il faudrait masquer toutes similitudes avec les années trente?
Fous. Pendant ce temps-là? Croyez-le ou non, mais l’agence de notation Standard& Poor’s a annoncé qu’elle plaçait sous «surveillance négative» la note du Fonds européen de stabilité financière (FESF), lui-même mis en place pour venir en aide aux États… Cherchez l’erreur. Plus incroyable encore. Le fameux Fonds monétaire international (FMI), qui, par dogme économico-libéral, lorgne depuis toujours sur la gestion des États et tond les populations à la première occasion, cherche lui-même de l’argent auprès des institutions bancaires européennes. Vous avez bien lu. L’institution de Washington serait à court de liquidités. Problème, la BCE n’étant pas membre du fonds, son intervention auprès du FMI semble impossible. Alors? Pour lever au moins 100 milliards d’euros le plus rapidement possible, le FMI devra se tourner vers les banques centrales nationales, comme la Banque de France ou la Bundesbank, qui, comme vous le savez, ne peuvent plus prêter à leurs propres États… Et la boucle est bouclée. Conclusion de ce circuit financier schizophrénique ? Ils sont tous devenus fous. Et comme la plupart des fous, ils ne s’en aperçoivent pas…
Larmes. Se souviendra-t-on des sanglots d’Elsa Fornero, ministre italienne des Affaires sociales? Au côté du nouveau président du Conseil, Mario Monti, cette dame d’apparence austère aux cheveux droits tirés sur les oreilles, par ailleurs vice-présidente de la banque Intesa Sanpaolo (sic), présentait dans le détail le nouveau plan de rigueur. Un à-venir social terrible pour ses compatriotes, dont elle semblait prendre la mesure à chaque énumération, comme une sorte de révélation progressive mise en abyme, comme si, derrière la froideur des chiffres et la pâleur des mots, des êtres prenaient soudain forme humaine dans le désarroi d’une matérialisation enfin palpable. Alors, sans prévenir, la voix de cette femme s’érailla, dérailla… La tentation fut grande de croire à un stratagème, à une comédie, à une tragedia dell’arte faussement surjouée à destination d’une vox populi y perdant son latin. Dans cette désarmante scène de la vie politique, une ministre a gémi – et les marchés ont souri. Triste à pleurer. Les apparences sont-elles trompeuses?
Fin. Connaissez-vous le très sérieux et influent Conseil européen des relations étrangères, élu «meilleur nouveau think tank dans le monde sur les cinq dernières années»? Basé à Londres et disposant d’antennes en Europe, cette structure a pour but de favoriser une perspective paneuropéenne dans les débats économiques et politiques. Cette semaine, la représentante d’un de ses bureaux les plus influents, celui de Berlin, a décidé de sortir de l’ombre en nous adressant une missive sur le thème : «Français, à vous de jouer!» Ulrike Guérot, auteur d’une thèse sur le Parti socialiste français, diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris avant de partir enseigner dans le privé aux États-Unis, prône ouvertement une harmonisation fiscale et politique des deux côtés du Rhin. Mais cette dame n’a ni le temps ni le goût de la nuance. «Que ce soit clair, déclare-t-elle. Oui, ce sera la fin des 35 heures, la fin de la retraite à soixante ans, la fin de “travailler moins pour vivre mieux”. Et ce n’est pas la faute des Allemands, mais parce que nous sommes en train d’intégrer quelque deux milliards de personnes dans le marché global du travail.» Et elle ajoute: «L’Europe le vaut.» Moralité, écoutons toujours attentivement les technocrates, ils expriment très consciemment la pensée stratégique inconsciente de ceux qui nous gouvernent.
Allemagne. Ces mêmes technocrates n’hésitent pas à affirmer que la crédibilité de l’euro ne peut se jouer que sur le terrain de l’apolitique. Est-ce l’ambition de l’Allemagne? Doit-on y voir une politique bismarckienne? Ou plutôt le retour d’un des courants les mieux établis du libéralisme, l’ordolibéralisme, né dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres et théorisé sous le nom «d’économie sociale de marché»? Et est-ce si incongru d’établir un parallèle entre la posture idéologique d’Angela Merkel et celle suivie au moment de la grande dépression par Heinrich Brüning, chancelier (trop méconnu) de 1930 à 1932? Le trouble historique a de quoi imposer la réflexion. Car Brüning, contournant le Parlement de l’époque, imposa par décret d’urgence une politique absolument radicale d’austérité qui lui valut le surnom de «chancelier de la faim»: baisse des salaires, réduction des indemnités, coupes drastiques dans les dépenses publiques, politique monétaire restrictive par peur de l’inflation, démantèlement de l’État social, affaiblissement de la République de Weimar, etc. Inutile ici d’en réécrire les conséquences… Et aujourd’hui, au nom de doctrines libérales quasi fanatiques, il faudrait masquer toutes similitudes avec les années trente?
Fous. Pendant ce temps-là? Croyez-le ou non, mais l’agence de notation Standard& Poor’s a annoncé qu’elle plaçait sous «surveillance négative» la note du Fonds européen de stabilité financière (FESF), lui-même mis en place pour venir en aide aux États… Cherchez l’erreur. Plus incroyable encore. Le fameux Fonds monétaire international (FMI), qui, par dogme économico-libéral, lorgne depuis toujours sur la gestion des États et tond les populations à la première occasion, cherche lui-même de l’argent auprès des institutions bancaires européennes. Vous avez bien lu. L’institution de Washington serait à court de liquidités. Problème, la BCE n’étant pas membre du fonds, son intervention auprès du FMI semble impossible. Alors? Pour lever au moins 100 milliards d’euros le plus rapidement possible, le FMI devra se tourner vers les banques centrales nationales, comme la Banque de France ou la Bundesbank, qui, comme vous le savez, ne peuvent plus prêter à leurs propres États… Et la boucle est bouclée. Conclusion de ce circuit financier schizophrénique ? Ils sont tous devenus fous. Et comme la plupart des fous, ils ne s’en aperçoivent pas…
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 9 décembre 2011.]
(A plus tard...)