L’épreuve de réalité est toujours l’épreuve du feu. Au cœur de cette République aux haleines fétides ces temps-ci, où tant de porteurs de fric et autres banksters continuent de parader dans l’espace public, le creuset de la crise sociale, lui, s’enfonce un peu plus chaque jour dans les entrailles d’un pays martelé par l’injustice. L’emploi, les salaires, le progrès social : voilà les vraies victimes quotidiennes. Victimes des marchés financiers en pleine apoplexie. Victimes des ponctions de l’austérité généralisée. Victimes de dirigeants politiques au doigt sur la couture de leur pantalon, incapables de résister au diktat de la finance, humiliés par leur propre perte de pouvoir…
Parmi ces victimes, les retraités, pour lesquels «l’insupportable est atteint». Ainsi ont-ils décidé de descendre dans la rue, aujourd’hui, à l’appel de cinq unions syndicales. Ils dénonceront la perte de pouvoir d’achat et les menaces du «plan Fillon» annoncé il y a quelques semaines, mais également le report de la réflexion sur la dépendance – l’une des nombreuses promesses de l’Élysée mort-nées. Dans ce monde de l’excès marchand et de l’insécurité sociale à tous les étages, les retraités n’en peuvent plus. Une statistique résume à elle seule la situation : une personne née en 1935 touchait plus de 80% de son dernier salaire en partant en retraite ; une personne née en 1985 n’en touchera qu’à peine 60%… Mesure-t-on l’ampleur de cette régression générationnelle, de ce recul de civilisation ? Comment penser l’à-venir dans un univers quotidien frappé par une insertion professionnelle tardive, par le chômage de masse, par la précarité et l’intérim, bref, par les drames sociaux d’une société inégalitaire et sans accalmie qui transforment l’espérance de vie en handicap ?
Le loyer, le chauffage, les carburants, la TVA, l’alimentation, le toubib, le dentiste, sans parler de la future hausse des mutuelles, elles aussi honteusement mises à contribution par la «taxe Fillon» : tout devient un luxe. Et les pensions des retraités crient famine. Plus d’un million de nos «seniors» vivent sous le seuil de pauvreté, évalué à 900 euros mensuels… De contre-réforme en contre-réforme, des misérables revalorisations aux dispositions régressives qui découlent du plan d’austérité, les retraités se sont appauvris à une vitesse phénoménale. Rappelons que les profits des entreprises cotées en Bourse pourraient atteindre les 95 milliards d’euros cette année…
Dans ce contexte, comment qualifier la dernière proposition de François Fillon de porter l’âge légal du départ à la retraite à soixante-sept ans ? Le premier ministre prend prétexte de «l’alignement sur l’Allemagne», omettant de préciser que le départ à taux plein, outre-Rhin, peut être réclamé au bout de trente-cinq ans, contre quarante et un ans et demi désormais en France. Un nouvel acte de soumission aux spéculateurs, qui attendent avidement l’étape supplémentaire : la retraite par points ! Le bras d’honneur de Sarkozy aux salariés, il y a moins d’un an, lors du vote de la loi Woerth, n’a donc pas suffi. Le prince-président, champion de la réaction antisociale, continue de servir avidement les seuls intérêts du capital, comme si de rien n’était. Mais qu’il se méfie. Personne n’a oublié les grandes grèves et manifestations. Ni le traumatisme du coup de force. Est-ce un hasard si 69% des Français soutiennent les mobilisations du 11 octobre prochain «pour une autre répartition des richesses»? Le retour de l’épreuve de réalité. Et pourquoi pas ?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 6 octobre 2011.]
(A plus tard...)
Heureusement que l'Humanité est là pour penser aux retraités et à cette incroyable injustice française. Merci.
RépondreSupprimerCe qui se lève à gauche ne pourra plus s'arrêter jusqu'en 2012 : souhaitons-le du moins.
RépondreSupprimerAux côtés des retraités dans la rue la semaine dernière pour leur donner un coup de main en tant qu'active j'ai pu mesurer leur colère, leur désarroi et leurs difficultés. Une gouvernance qui ne se soucie ni de son passé (les retraités) ni de son futur (les jeunes) tout en piétinant les autres générations aussi n'a rien à faire dans le présent! il faut que cette majorité politique DEGAGE le plus vite possible car elle massacre la France!! vivement 2012...PAT
RépondreSupprimer