Depuis Gap (Hautes-Alpes).
«Vivement que je sois rentré chez moi.» (1) Même avec Thomas Voeckler, le corps a ses secrets que l’esprit, parfois, s’amuse à traquer dans son exploitation. «Je m'occupe de moi. Des fois, j'ai l'impression qu'il y a un petit groupe, une caste des mecs du général, les grands. Je ne me suis jamais senti proche de ça, et ce n'est pas parce que j'ai le Maillot Jaune que ça a changé. S'ils me considèrent un peu davantage, je n'en tire aucune satisfaction. Cela ne me fait rien du tout.» Qu’on se le dise, le corps et l’esprit du Français sont en paix. «Thomas voit clair», nous disait sans rire un spectateur de bord des routes. Pas mieux…
Hier, entre Saint-Paul-Trois-Châteaux et Gap, lorsque le chronicoeur dévala les vallées, un déluge de pluie s’abattit sur l’avant-garde comme si les dieux du vélo voulaient purifier l’asphalte sous les roues des coureurs. C’était encore l’heure d’évoquer l’été prisonnier d’un avancement d’automne sur cette chaussée qui semblait disparaître dans un monde sans fond. Dans ce paysage d’horizon perdu, pétrifié par le froid, ce fut la bonne échappée, bien avant la seule difficulté du jour, le col de Manse (2e cat., 9,5 km à 5,2%), placée à onze kilomètres du but. Dix audacieux détrempés : Hesjedal, Martin Devenyns, Hushovd, Boasson Hagen, Marcato, Lezaun, Roy, Grivko, Ignatiev. La timbale ? Encore une fois au Norvégien Thor Hushovd (Garmin), sa deuxième victoire d’étape.
Et derrière? A deux, trois reprises, Alberto Contador plaça dans ce col de rien du tout des banderilles aussi morales que puissantes, auxquelles répliquèrent tant bien que mal Cadel Evans et Samuel Sanchez. Ces trois-là partirent fors l’honneur. Mais pas les frères Schleck, piégés, ni Thomas Voeckler, engagé dans une gestion au jour-le-jour. Une descente vers Gap plus tard, à tombeau ouvert, et les trois fuyards, Evans en tête, reprenaient des paquets de secondes aux autres cadors. Le grand perdant? Andy Schleck, qui lâcha dans l’affaire plus d’une minute: 39 secondes le séparent désormais de Contador… Ce mercredi, direction Pinerolo, en Italie. Place à la haute-montagne. Avec un Espagnol peut-être ressuscité.
Et à part ça? Le Tour n’aime pas la mort mais en déplore une. Un technicien-chauffeur de 59 ans, employé d'un sous-traitant de la société organisatrice de l’épreuve, a été retrouvé sans vie hier matin très tôt, à Gap, sur le site de l’arrivée. Un faire-part façon communiqué nous a informés qu’il s’agissait de Patrick Guay, ancien coureur des années soixante-dix et oncle de Jérôme Pineau (Quick-Step). «Un obstacle médico-légal à l’inhumation du corps a été posé», ont prévenu les autorités policières, ce qui pourrait ouvrir la voie à une autopsie... Le chronicoeur, qui a de la mémoire, se souvient que Patrick Guay avait remporté Le Prix des vins nouveaux, à Vesdun, en 1975. Comme l’écrivait René Fallet: «Le vélo rajeunit ceux qui le touchent.» Même si le corps garde toujours ses mystères…
(1) Ainsi s’exprimait le porteur du maillot jaune, lundi lors de la journée de repos.
[ARTICLE publié dans l'Humanité du 20 juillet 2011.]
(A plus tard...)
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