mercredi 23 février 2011

Ignoble(s) : politicailleries, pétainisme et... déjà 2012

Réprouvés. Le climat franco-français tyrannise, déprime, tend à nuire jusqu’en leurs entrelacs les musardeurs 
en poésies, les flâneurs en lettres. Tétanisés sommes-nous, parfois groggys par le débat public, même si, en aucune manière, le souffle de la lucidité ne doit chavirer nos esprits. Petites phrases – et grandes conséquences. Insanités – et grossièretés. Absence d’horizon non indépassable. En ces temps de révolution(s) qui nous donnent envie mais nous tiennent à distance, il nous manque collectivement la visée d’une conscience qu’un certain scepticisme paralyse, comme si une forme obscure de pessimisme tétanisait toute forme collective d’initiation personnelle (ou le contraire). Symptôme significatif et très occidental de notre post-histoire ? À défaut de rester dominants, 
au moins pourrions-nous trouver des postures et des mots en grandeurs. Mais non. Le Palais et ses affidés ont depuis beau temps refuser les utopies concrètes pour des pays de nulle part où se perdent rêves et convictions. Où sont les réprouvés du peuple comme de la-haute, qui, à l’aune d’une intranquillité permanente, se conduiraient en nobles aux heures monumentales en sonnant l’histoire par effraction ? Comme le disait François Nourissier, «quand on met le pied dans les idées générales, on glisse». Où quêter les héroïsmes créateurs ?

Le Capitaine Dreyfus.
Pétainisme. Christian Jacob est à Copé ce qu’Hortefeux est à Nicoléon : ordurier et néopétainiste. Ce petit Monsieur de la politicaillerie, qui considère ses adversaires comme les animaux de son élevage, lui-même biberonné au cul des vaches avec Chirac, ne connaît pas les us et coutumes qui devraient s’imposer à son costume – trop ample – de président du groupe UMP à l’Assemblée. Sa cible? Dominique Strauss-Kahn. Pourquoi pas. Le directeur général du FMI, qui se rapproche à grands pas des ors de la République, doit s’habituer aux critiques. Logique : DSK, comme patron d’une institution financière qui affame les peuples, devra répondre de ses actes devant ceux qui l’interpelleront arguments contre arguments. Mais nous parlons là de critiques de fond. Pas des crapuleries qui puent la vieille France rance barrésienne et maurassienne. Qu’on en juge. «DSK, a déclaré Jacob, ce n’est pas l’image de la France, l’image de la France rurale, l’image de la France des terroirs et des territoires, celle qu’on aime bien, celle à laquelle je suis attaché.» Glauque musique langagière. De l’affaire Dreyfus à Vichy, ces propos s’inscrivent en effet dans la longue tradition du «Roman de l’énergie nationale», qui parle peu des petits oiseaux mais beaucoup de «la terre qui ne ment pas» (Pétain), versus les intellectuels, les communistes, les francs-maçons, les homosexuels, les étrangers… Et bien sûr les juifs. Qui n’y a pensé en entendant ces paroles insupportables ? Monsieur Jacob induisait-il que la bourgeoisie juive cosmopolite (donc DSK) représente l’anti-France? À chaque évocation sordide, la République vacille. Tous ces fabulistes et autres histrions 
de notre tradition républicaine insultent la France, la mémoire. Et accessoirement notre intelligence collective…

2012. Beaucoup le prédisent et n’ont pas tort. Le harcèlement de la médiacratie pour imposer l’unique perspective de la présidentielle 2012 est non seulement à l’œuvre mais, avouons-le, commence sérieusement à saouler les citoyens 
dont les préoccupations quotidiennes sont plus proches 
du «pain quotidien» que des «places à prendre» tout en haut de l’oligarchie républicaine. Pensez donc : une élection prévue 
en mai 2012 dont la campagne aura débuté en septembre… 2010 ! La logique institutionnelle du prince élu n’a décidément plus rien à voir avec la lente et patiente maturation des idées 
au long cours mais, au contraire, s’apparente au jeu sordide des «candidats permanents», toujours en campagne électorale, jamais «installés» dans un temps-long. Pourris par le quinquennat et l’ultra-présidentialisation, les masques de l’éphémère envahissent le paysage politique.

Dégage. Au moins Jean-Luc Mélenchon réagit-il à la hauteur de l’enjeu. DSK? «S’il se présente, je serai devant lui au premier tour.» De l’ambition. Et au deuxième tour? «Si je suis élu président, je convoque immédiatement une constituante pour sortir du régime actuel.» De l’audace. C’est ce même Mélenchon, caricaturé du matin au soir en «populiste» par les éditocrates germanopratins, que Plantu a osé associer à Marine Le Pen dans un dessin assez ignoble. Récidiviste, Plantu, multirécidiviste même. Contre les salariés en lutte, contre la CGT, contre les communistes, contre bien des idées qui ne passent pas la rive gauche. D’autres avant lui avaient favorisé ce climat pourri. Valls ? «Mélenchonisation des esprits.» Huchon? «Mélenchon pire que Le Pen.» Cohn-Bendit? «Mélenchon laboure les terres du FN.» Tout ne saurait être accepté. Et les auteurs d’amalgames aussi vils, tôt ou tard, auront à s’en expliquer publiquement. Mélenchon l’écrit : «Qu’ils s’en aillent tous.» Dans certains pays en mouvement, ils hurlent : «Dégage.» Méditons un instant. Et essayons de croire encore à cette habitation, humaine et plus qu’humaine, qu’est l’habitation poétique et mythique que résumerait bien l’ambition politique. Y croire. Non par naïveté – encore moins par habitude. Juste pour réaliser ce qui doit advenir à toutes forces.

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 19 février 2011.]

(A plus tard...)

2 commentaires:

  1. Beaucoup de noblesse à défendre ainsi DSK, avec ces mots et cet engagement. Merci à JE DUCOIN pour l'avoir fait: DSK mérite des critiques dures et violentes, mais oui, sur le fond, pas sur ses origines ou sous la ceinture. Décidément, la politique française va au plus mal. Il est temps de chasser "Nicoléon", comme l'appelle DUCOIN !!!

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  2. MELENCHON a totalement raison sur le fond, les idées, mais attention à la forme et à l'image de colérique et de "fort en gueule" qu'il véhicule et qu'on lui fait véhiculer...c'est ce qui a nuit à Ségo et ce qui nuit à Sarko adepte du casse toi pov con , c'est ce qui lasse au moins un de mes amis mélenchonniste! néanmoins il faut avoir du caractère en politique pour dévier la route du paquebot France qui va droit sur l'iceberg...(les chaloupes sont déjà occupées par une poignée de riches...)PAT

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