Comme les trois mousquetaires, ils sont quatre. Quatre athées et agnostiques scrutant les textes chrétiens des origines. Mordillat et Prieur, les plus provocateurs, ceux dont les séries pour Arte (Corpus Christi, l’Origine du christianisme, l’Apocalypse) et les essais (Jésus contre Jésus, Jésus après Jésus, Jésus sans Jésus) (1) ont fait se dresser contre eux la clique catholico-traditionaliste qui prospère à la Sorbonne et dans certains journaux. Pierre-Antoine Bernheim, le plus méthodique, dont le Jacques, frère de Jésus (2) est devenu une référence mondiale malgré les remarques désobligeantes («juif Bernheim»). Et maintenant, Éric Stemmelen, le lecteur infatigable, dont la Religion des seigneurs (3) attaque l’histoire du christianisme par le versant économique et social, remettant en question l’apologétique qui voudrait que ce mouvement religieux ait été le produit d’une immense ferveur populaire, un soulèvement de foi et d’espérance…
Le livre d’Éric Stemmelen fait face aux textes. À l’origine, au IIIe siècle, il y a la crise profonde de l’esclavage. L’empire s’est tellement étendu qu’il devient impossible de capturer de nouveaux esclaves, main-d’œuvre ordinaire des grandes propriétés agricoles, qui, elles aussi, se sont étendues sur d’immenses territoires, les latifundiums. De l’effondrement économique des villae esclavagistes va naître le système du colonat – l’établissement de «colons» dans des fermes. Le colonat n’est qu’une forme abâtardie et plus hypocrite de l’esclavage. Dès lors, les nouveaux maîtres vont trouver chez les auteurs chrétiens les justifications morales et théologiques à l’exploitation des hommes, des femmes et des enfants qui travaillent sur leurs propriétés. Car le christianisme prône depuis toujours l’obéissance et la soumission. Paul, dans l’épître aux Romains : «Que chacun se soumette aux autorités qui sont au-dessus de nous.» Sans oublier la lettre de Pierre : «Vous, les domestiques, soyez soumis à vos maîtres…» Éric Stemmelen l’indique : «Le christianisme, à l’opposé de toutes les morales antiques, valorise le travail contraint, qu’il ne juge pas dégradant et incompatible avec la condition d’homme libre.»
Vers 312, à partir de l’adoption par Constantin du dieu chrétien, jusqu’à Théodose (379), on va assister à une christianisation forcée de la population. Une christianisation qui n’est pas montée de la plèbe vers les élites mais, au contraire, du haut vers le bas – ce que l’Église et ses thuriféraires se refusent encore à reconnaître. Le christianisme n’est pas une religion populaire, c’est une religion qui a été ordonnée au peuple et, avec elle, son exaltation de la souffrance, sa glorification de la résignation, son goût morbide pour le sang, sa haine du corps, sa morale sexuelle répressive, etc. D’une foi rebelle à tout pouvoir née dans une petite secte juive, le christianisme, se confondant avec l’empire, va devenir la plus grande machine de coercition jamais apparue sur terre. Comme on peut le lire dans l’évangile selon Matthieu : «Ce sont les violents qui l’emportent.»
(1) Jésus contre Jésus, Jésus après Jésus et Jésus sans Jésus, de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur (Points/Seuil). (2) Jacques, frère de Jésus, de Pierre-Antoine Bernheim (Noesis). (3) La Religion des seigneurs, d’Éric Stemmelen (Michalon).
[Avec Pascale Lagniot]
(A plus tard...)
heureusement la lumière vint et pour les aveugles les camps de rééducations en Chine ou en URSS ou à Cuba. En cas de refus il y eu des Katym et autres....
RépondreSupprimerPour avoir lu les trois livres du couple infernal Mordillat-Prieur, je suis impatiente de découvrir ce livre. Merci à JED pour son attention sur ce sujet aussi, que l'on sait très important pour lui...
RépondreSupprimerContinue ! et ne te laisse pas impressionner par les stupidités et les nullités.
PATRICIA
Il faudrait quand même que certains internautes se calment un peu !!! C'est insupportable. Si on ne peut plus critiquer le christianisme ou ses origines, voire les politiques des dirigeants israéliens (j'ai bien écrit "les dirigeants israéliens" sans se faire traiter de staliniens, où allons-nous ??? DUCOIN, qui est un communiste atypique comme certains le savent (parce qu'ils le lisent, eux) ne mérite pas d'être comparé aux criminels pseudo-communistes, qu'ils soient soviétiques ou autres.
RépondreSupprimerContinue Ducoin ! tu es l'honneur du journal de Jaurès.
(Et bravo à toute la rédaction pour son travail sur le social.)
Staline était un farouche anticlérical et au nom de l'idéologie totalitaire, il a sacrifié froidement 20 millions de Russes, exterminé froidement des Juifs de Russie dont on ne dira jamais assez, pour tous ceux qui sont restés en Russie, leurs terribles souffrances d'après guerre et jusqu'à la chute du mur de Berlin. Après la 2ème G Mondiale, il a interdit toutes formes de cultes, Juifs, Chrétiens, Musulmans, Boudhiste, etc. a ordonné la destruction de monuments historiques religieux et a continué à persécuter tous ceux qui s'opposaient à sa dictature (espionnage permanent, tortures, goulags, exécutions arbitraires, etc.)dans la glorification de la résignation et de l'abnégation la plus absolue jusqu'à l'abject.
RépondreSupprimerQuand les extrêmes "s'affrontent" dans les limites de la pensée binaire, l'extrémisme et son cortège funèbre n'est jamais loin !!!
Staline était un farouche anticlérical et au nom de l'idéologie totalitaire, il a sacrifié froidement 20 millions de Russes, exterminé froidement des Juifs de Russie dont on ne dira jamais assez, pour tous ceux qui sont restés en Russie, leurs terribles souffrances d'après guerre et jusqu'à la chute du mur de Berlin. Après la 2ème G Mondiale, il a interdit toutes formes de cultes, Juifs, Chrétiens, Musulmans, Boudhiste, etc. a ordonné la destruction de monuments historiques religieux et a continué à persécuter tous ceux qui s'opposaient à sa dictature (espionnages permanents, tortures, goulags, exécutions arbitraires, etc.)dans la glorification de la résignation et de l'abnégation la plus absolue jusqu'à l'abject.
RépondreSupprimerQuand les extrêmes "s'affrontent" dans les limites de la pensée binaire, l'extrémisme et son cortège funèbre n'est jamais loin !!!
Fifi CHIKH
C'est vrai pour Staline, mais qu'est-ce que ça vient faire là-dedans ? A l'Humanité, les journalistes sont pour la liberté absolue de conscience, il suffit de lire ce qui s'y écrit ! Par ailleurs, c'est moins vrai pour Cuba, puisque l'Eglise catholique a toujours "pactisé" avec le pouvoir en place, qui le lui rend bien...
RépondreSupprimerA.C.
Informations capitales qui éclairent aussi notre époque ! Elevé dans un univers catholique, il m'a longtemps été difficile de croire que j'étais victime d'un complot susceptible d'entraver mon progrès. En Belgique, l'Eglise avait deux types d'enseignement. Le premier destiné au commun des mortels. Là, à l'école des Frères, l'humilité, le dévouement et l'obéissance étaient présentés comme les vertus suprêmes. Le deuxième type d'enseignement catholique visait les futures élites. Les Jésuites s'y évertuaient à modérer les scrupules de leurs élèves. Ils façonnaient les futurs soldats du Christ en insistant sur le devoir d'état, l'effort et l'ambition nécessaire. Les uns chantaient les Béatitudes et les autres rappelaient la parabole des talents.
RépondreSupprimerIl m'a fallu quarante ans pour commencer à suspecter la manipulation. Alors, j'ai compris que je ne pourrais plus adhérer à cette entreprise d'oppression. J'aurais voulu crier : "Gentils, obéissants,résignés, levez-vous! Jésus disait : "Lève-toi et marche !" C'est cela la Bonne Nouvelle!"
Je ne supporte plus les gémissement prononcés au fond d'églises sombres. Combien de destins brisés au nom de la modestie ? Combien de souffrances tues ? Combien de vies rétrécies ?
Cette étude sera, j'espère, libératoire pour de nombreux chrétiens et devrait encourager leur engagement social. Evangile et Libération sont conciliables.
J'espère que ce livre aura un très large écho. Merci.
a destination de l'anonyme de 16h21...j'ai envie de dire..."c'est un peu court..." ces propos lapidaires n'ont pas leur place ici...il faut savoir de quoi on parle et ne pas tout melanger... sinon ca n'apporte strictement rien...on peut parler de cela naturellement ,mais ce n'est pas le propos en question dans cet article, il me semble... si je vous parlais , moi, petit fils de republicain Espagnol de certaines horreurs commises avec la benediction du Haut clerge de ce pays, durant la guerre civile, hein ? ou des crimes de l'inquisition ? soyez Contructif , apportez des Briques au debat, ne les jetez pas sur ceux qui tentent d'y voir plus clair.... Bravo ,encore une fois a Mr. ducoin pour ces informations pertinentes et enrichissantes....
RépondreSupprimerJe me souviens que, dans l'Huma, Mr Ducoin a soutenu (et de quelle brillante manière) les livres de Mordillat et de Prieur. Je signale que ces trois livres sur les origines du christianisme sont sortis en livre de Poche. Faites-le savoir : revisiter les origines du christianisme, c'est aussi sortir de l'obscurantisme de l'Occident qui nous a conduit à toutes les horreurs du XXe siècle. Il suffit pour s'en convaincre de lire le dernier livre de Marcel Gauchet : les totalitarismes du XXe siècle, dit-il, trouvent leurs origines dans le libéralisme catholique bourgeois du XIXe siècle. A réfléchir, non ?
RépondreSupprimerMerci à Ducoin, en tous les cas.
ROGER (des P.O.)
"Jésus annonçait le Royaume et c'est l'Église qui est venue", disait Alfred Loisy.
RépondreSupprimerQu'ajouter à cela, franchement ?
On ne peut pas résumer le christianisme à une machine de coercition sinon on déclenche des polémiques pur savoir qui a fait pire ! Non, le christianisme et aussi porteur d’espérance et cela manque beaucoup aux athées d’aujourd’hui. Le marxisme a fait illusion après l’enthousiasme des premiers communistes que reste-t-il aujourd’hui, une vague dépression collective.
RépondreSupprimerBonsoir à tous,
RépondreSupprimerJe me permets de signaler à notre dernier internaute que la lecture de Marx, ô combien fascinante et toujours pertinente en ce début de XXIe siècle (eh oui), réserve bien des surprises. Ainsi, relisons avec curiosité sa fameuse phrase sur "l'opium du peuple", mais relisons surtout le passage en totalité.
Voici l'extrait exact et non édulcoré, comme cela se pratique trop souvent: «La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans cœur, l’esprit d’un état de choses où il n’est point d’esprit. Elle est l’opium du peuple.»
Voilà ce qu'écrivit Marx au milieu du XIXe siècle. Or, si vous avez bien lu, vous avez constaté que Marx dit bien les deux choses. Que la religion est «l’expression de la misère réelle» mais qu'elle est également «la protestation contre la misère réelle.» Marx ne néglige jamais le fait que la religion puisse porter une espérance et même une forme de combat.
La postérité n’a retenu que cette dernière formule: «la religion est l’opium du peuple», des mots pourtant prononcés avant lui par Moses Hess. Autant le dire : je n’ai aucun problème à admettre que sectionner la citation de Marx procède d’un raccourci transformant une pensée en une sorte de mot d’ordre, dont, en effet, ont pu s’emparer tous les intégristes pseudo-communistes (en URSS par exemple), faisant de l’athéisme une religion d’Etat… Je dénonce pour ma part tous les intégrismes, sachez-le. Et je revendique l'absolue liberté de conscience pour tous.
A plus tard…
JED
Merci à Ducoin pour sa dernière précision. Pour ma part, je ne connaissais pas la citation de Marx dans son emsemble : c'est en effet plus compliqué qu'il n'y paraît. Oui, l'atéisme peut devenir une religion d'Etat, et c'est terrible, on le sait bien.
RépondreSupprimerPetit rappel historique.
RépondreSupprimerEn 1984, la Congrégation pour la doctrine de la foi, présidée par le cardinal Ratzinger, a convoqué au Vatican Leonardo Boff, l'un des pères de la théologie de la Libération, en raison de ses thèses liées à la théologie de libération exposée dans son livre "l'Église: Charisme et Pouvoir.
En 1985, il a été sanctionné par les autorités doctrinales du Vatican, en raison du lien organique entre théologie de la libération et marxisme (oui, des chrétiens marxistes!!!). Le Vatican lui a alors intimé « silence et obéissance ». Il a été suspendu de ses devoirs religieux. Léonardo Boff a été alors soutenu par deux papabiles, l'archevêque de Fortaleza, Aloisio Lorscheider, et celui de São Paulo, José Ivo Lorscheiter, président de la Conférence épiscopale brésilienne. En raison de la pression internationale sur le Vatican, la décision a été abrogée en 1986, permettant à ce grand homme sud-américain de retourner à certaines de ses activités précédentes.
Ce petit rappel méritait de clouer le bec à ceux qui pensent qu'on ne peut pas avoir (bien) lu Marx et être ou avoir été chrétien.
Je salue Jean-Emmanuel DUCOIN pour son intelligence et son courage d'écriture !!!
RENE
L'absolue liberté de conscience pour tous est le déni de l'engagement responsable et la glorification du quant à moi. Aujourd'hui, en France, on peut en apprécier les conséquences désastreuses sans pour autant être capable d'encourager un autre rapport au monde. Ma liberté de conscience ne s'exprime que dans l'altérité avec l'Autre "le différent ou l'étranger" en tant qu'individu, ou dans l'Autre en tant que membre d'une collectivité. Ce qui engage ma responsabilité dans le dialogue et dans l'enrichissement de la confrontation des différences et des convergences. Et non pas dans le dénigrement ou l'opposition systématique dans le cadre d'une pensée binaire, pour ne pas dire simpliste et dont les résultats n'amènent à rien d'autre qu'à l'affrontement des extrêmes. Est-ce qu'à l'origine, l'Evangile n'est pas une Parole d'émancipation plus qu'une Parole d'aliénation ? Ce qu'en ont fait les humains c'est autre chose. Aucun écrit d'ordre sacré ou laïque n'est à l'abri d'une quelconque interprétation obscurantiste. Seulement, la lumière vient toujours d'un éveil permanent, de la recherche continuelle de l'altérité dans le dialogue et non de l'opposition systématique. L'Eglise, est la seule plus ancienne institution dans ce monde. Le nier serait déjà entrer dans une forme d'obscurantisme et laisser la part belle aux manipulateurs de consciences qui ne manquent pas de ce servir d'Elle pour imposer l'arbitraire et exacerber toutes formes d'extrémismes religieux et autres, tout en encourageant le communautarisme le plus régressif et le plus répressif.
RépondreSupprimerPorter une critique sur les pages de l'Histoire en s'appuyant uniquement sur quelques extraits "choisis" des Ecritures Saintes, c'est d'une certaine façon faire un "arrêt sur image", fermer l'Histoire sur elle-même sans pour autant en extraire le sens. Sa part de "vivant" qui marque le présent et qui nous échappe. Capter cette part de "vivant" ou de "survivance" du passé pourrait nous aider à nous engager vers une autre vision de notre rapport au monde tout en dépassant les "arrêts sur image" et dans une plus grande confiance de nos institutions religieuses et laïques.
L'absolue liberté de conscience pour tous est le déni de l'engagement responsable et la glorification du quant à moi. Aujourd'hui, en France, on peut en apprécier les conséquences désastreuses sans pour autant être capable d'encourager un autre rapport au monde. Ma liberté de conscience ne s'exprime que dans l'altérité avec l'Autre "le différent ou l'étranger" en tant qu'individu, ou dans l'Autre en tant que membre d'une collectivité. Ce qui engage ma responsabilité dans le dialogue et dans l'enrichissement de la confrontation des différences et des convergences. Et non pas dans le dénigrement ou l'opposition systématique dans le cadre d'une pensée binaire, pour ne pas dire simpliste et dont les résultats n'amènent à rien d'autre qu'à l'affrontement des extrêmes. Est-ce qu'à l'origine, l'Evangile n'est pas une Parole d'émancipation plus qu'une Parole d'aliénation ? Ce qu'en ont fait les humains c'est autre chose. Aucun écrit d'ordre sacré ou laïque n'est à l'abri d'une quelconque interprétation obscurantiste. Seulement, la lumière vient toujours d'un éveil permanent, de la recherche continuelle de l'altérité dans le dialogue et non de l'opposition systématique. L'Eglise, est la seule plus ancienne institution dans ce monde. Le nier serait déjà entrer dans une forme d'obscurantisme et laisser la part belle aux manipulateurs de consciences qui ne manquent pas de ce servir d'Elle pour imposer l'arbitraire et exacerber toutes formes d'extrémismes religieux et autres, tout en encourageant le communautarisme le plus régressif et le plus répressif.
RépondreSupprimerPorter une critique sur les pages de l'Histoire en s'appuyant uniquement sur quelques extraits "choisis" des Ecritures Saintes, c'est d'une certaine façon faire un "arrêt sur image", fermer l'Histoire sur elle-même sans pour autant en extraire le sens. Sa part de "vivant" qui marque le présent et qui nous échappe. Capter cette part de "vivant" ou de "survivance" du passé pourrait nous aider à nous engager vers une autre vision de notre rapport au monde tout en dépassant les "arrêts sur image" et dans une plus grande confiance de nos institutions religieuses et laïques.
Fifi CHIKH
La liberté de conscience est - je le rappelle - l'un des piliers de la laïcité... D'autant qu'elle ne signifie en rien "l'isolement", "l'individualisme" et encore moins un quelconque "nihilisme". Le vivre-ensemble et la mise en commun (pour le bien commun), c'est autre chose.
RépondreSupprimerJED
Excellent texte M.Ducoin.
RépondreSupprimerUne petite remarque:
"le christianisme, se confondant avec l’empire, va devenir la plus grande machine de coercition jamais apparue sur terre"
J'aurais plutôt écrit:
"le christianisme, se confondant avec l’empire, va devenir (avec l'Islam plus tard) une des deux plus grandes machines de coercition jamais apparues sur terre"
J'invite ceux qui ne me croient pas à regarder le Coran et l'histoire de l'expansion de l'islam.
Merci pour votre retour M.Ducoin