1989. C’est donc dans cette période que j’entre en action, comme journaliste. Une question mérite d’ailleurs d’être posée : pourquoi le dopage devient-il très vite une préoccupation et un terrain d’investigation privilégié ? Est-ce une quête de la vérité ? Un goût pervers pour l’envers du décors, où je commençais à mettre les pieds avec l’orgueil de la jeunesse ? Une envie très prononcée de dénoncer inlassablement un système qui ne manquait pas d’ « exploiter » des individus, mis en danger et vassalisés ? Est-ce le devoir de ne jamais être dupe malgré l’enthousiasme des premières fois ?
-Tu as toujours su presque tous les secrets des coureurs, pourquoi n’as-tu jamais rien écrit, ou alors seulement de manière allusive, entre les mots ?, ai-je souvent demandé à Emile Besson, l'ancien journaliste de l'Humanité.
-Ecrire quoi ?, répondait-il. Le dopage existe depuis que le cyclisme existe. Respecter les hommes, c’est aussi savoir qu’ils sont faibles : on ne va pas les brûler pour autant ou les livrer en pâture en place publique !
Me concernant, la réponse est sans doute encore ailleurs. J’aimais déjà trop le cyclisme (et son Histoire) pour ne pas m’en préoccuper, même modestement. Disons que je ne pouvais m’en laver les mains et rejeter d’un bon mot ce qui me revenait aux oreilles, essentiellement par les confrères d’ailleurs. Puis progressivement de la bouche même de quelques coureurs français.
Dès 1991, de lourdes rumeurs nous inquiètent. On parle d’hormones de croissance, d’Erythropoiétine, la célèbre EPO. Mais entre nous on ne dit plus : « Untel est une grosse chaudière. » On dit : « Il est métamorphosé. » Sans vraiment s’en apercevoir, nous changions les mots. Et en changeant les mots, nous changions d’époque. Le dopage « à la papa » cédait peu à peu la place au dopage scientifique. Nous ne mesurions pas alors l’ampleur de cette mutation…
Même Pierre Chany, le grand journaliste de l'Equipe (lui aussi, comme Besson, issu de la Résistance), non par la maladresse des mots mais par l’emploi de formules traditionnelles hélas démenties par l’évolution (de la science) s’avouait vaincu, en quelque sorte, sans le savoir.
Une anecdote raconte bien ce qui se passait alors et la puissance du trouble qui était le nôtre. Dans une conservation privée, en 1996, il répéta ce qu’il avait toujours affirmé : « Le jour où un bourrin détrônera un pur-sang grâce à une piqûre, alors là, oui, et seulement dans ces conditions, nous pourrons affirmer le cyclisme sera en danger de mort. »
A plus tard...
Oui, le bouleversement a eu lieu à partir de 1991. La génération Lemond, Fignon, Delgado ( le podium du fameux Tour 89 )a été balayée en une seule saison par des coureurs pourtant pas vraiment jeunes : Bugno et Indurain, 27 ans, Chiappucci, 28 ans.
RépondreSupprimerIndurain, trés gros moteur mais considéré comme trop lourd, s'est mis, trés soudainement, à grimper beaucoup plus vite que son leader Delgado, grimpeur de grand talent, alors que 20kg les séparait..Indurain travaillait avec Sabino Padilla, élève de Francesco Conconi.
Chiappucci est passé du statut de bon équipier à celui de grimpeur et baroudeur au long cours.
Et Gianni Bugno, coureur de classe qui tardait à confirmer, s'est soudainement transformé en campionissimo, capable de remporter le Giro en conservant le maillot du 1er au dernier jour.
Mais le pire était à venir, avec Bjarne Riis et Lance Armstrong..
Une époque ... ou les coureurs se levaient la nuit ... pour effectuer quelques "pompes" !
RépondreSupprimerLa plus sale époque du cyclisme.
Oui, les tours 89 et 90 sont sans doute aussi les derniers qui m'ont fait vibrer. Ensuite, voir des gros rouleurs passer les cols en compagnie de grimpeurs, la bouche fermée et les mains en bas du guidon... Ce n'est plus du sport.
RépondreSupprimerEn 2003 je discutais avec un ancien pro; une question revenait: Mais que prend Armstrong?
Bioen sûr, les 10 premiers du tour sont doués, ils bossent (plus de 35000 km/an ce n'est pas rien), mais les moyennes font régulièrement peur... Ces coureurs sont les victimes d'un système et on ne peut gagner sans y participer, mais par respect pour les quelques gars propres (qui ne passeront pas pro pour la plupart) il faut se donner les moyens d'arrêter tout cela. J'y ai cru un moment à cette révolution, mais quand on voit comment est dirigé le Tour aujourd'hui, l'UCI, l'encadrement des équipes, les journalistes et les commentateurs, je me dis que l'affaire Festina n'aura servi à rien; c'était pourtant une belle occasion de crever l'abscès pour repartir sur des bases saines...
Ce blog n'est pas une actu de plus sur le tour 2009, mais une petite madeleine pour les nostalgiques des exploits cyclistes qui nous ont fait vibrer avant que la chimie ne remplace le panache.
J'aimerais que l'on ait aussi une pensée amicale pour tous ceux qui ont osé dénoncer le système (Erwann, Pierre-Henri, Jérome et tous les autres...) pour tenter de sauver leur sport. Aujourd'hui, ils sont les pestiférés d'un milieu qu'ils ont voulu sauver.
L'AFLD est parfois qualifiée de vampire. Quel paradoxe! Les véritables vampires sont ceux qui s'enrichissent sur la santé et la mort programmée des coureurs.
Philippe (dede.philou@wanadoo.fr)
C'est vrai qu'on ne parle presque jamais de ces fameux "Dottore" , les Ferrari, Conconi, Padilla, Cecchini, Fuentes, etc.
RépondreSupprimerMais les plus coupables, ce sont eux.
Ce n'est pas ce pauvre Virenque qui aurait été capable de trouver la recette miracle qui a complètement dénaturé le cyclisme, à partir de 1991.
Indurain,Chiappucci,Bugno ou Rominger n'ont été que les interprètes de Sabino Padilla, Michele Ferrari, Francesco Conconi et Luigi Cecchini.
Le dopage est la conséquence directe du changement de statut du cyclisme et du sport et particulièrement du Tour de France.
RépondreSupprimerLe cyclisme est passée, en quelques années, de sport populaire avec toute sa dimension du respect des règles et des ces adversaires à spectacle télévisuel à fort audience où les spots de pub se vendent 3 fois plus cher qu'en temps normal, avec des sponsors qui ont les yeux rivés sur l'audimat et non sur les performances sportives !!!
Tant que le fric prendra le dessus sur la loyauté et la beauté du sport, le dopage sera inévitable ! Je pense que nous en sommes qu'au début et peut être qu'un jour, il sera officialisé au nom de l'égalité de tous pour un meilleur spectacle ...