Jean-Luc Mélenchon et le «sacré».
Choc. Après avoir théorisé, dès 2010, l’entrée dans «la saison des tempêtes», ce qui justifiait à ses yeux la stratégie du «bruit et de la fureur» en tant qu’acte politique de combat permanent résumé en une seule formule: «Qu’ils s’en aillent tous!», Jean-Luc Mélenchon est-il allé trop loin, lors des perquisitions conduites dans les locaux de la France insoumise, à son propre domicile ainsi qu’à ceux d’une dizaine de ses collaborateurs? Désireux de la justesse des termes dont use l’ex-candidat à la présidentielle –particulièrement lui, eu égard à ses talents d’orateur que personne ne méconnaît–, le bloc-noteur s’est interrogé en l’entendant, ceint de son écharpe tricolore, hurler aux policiers: «Ma personne est sacrée», «la République, c’est moi!». Formellement, l’élu de la nation –surtout le législateur– peut revendiquer une sorte de statut «sacré», symbolique et concret. Oui, la République, c’est aussi l’élu, il en «représente» une bonne part comme corps constitué, mais un corps collectif et non individualisé… En s’adressant aux policiers et au procureur, Jean-Luc Mélenchon parlait-il en son nom ou au nom de la représentation nationale dont il est l’un des maillons? Chacun possède désormais sa propre interprétation sur le sens de cette phrase –«la République, c’est moi!»– éructée autant par émotion légitime que par colère, au point que certains se demandent si cette éventuelle ultrapersonnalisation –moi contre tous– se raccorde bien avec les idées de quelqu’un qui aspire à un changement profond de nos institutions, à commencer par une déprésidentialisation de notre République. Nous comprenons le choc subi: une perquisition est une mesure de police à la fois brutale et éminemment attentatoire aux libertés individuelles – droit au respect de la vie privée, droit au respect du domicile, droit de propriété notamment. Or, les perquisitions dont il s’agit n’ont sans doute pas été spectacularisées par hasard: ampleur de la mobilisation policière, cadre de l’enquête préliminaire qui ne permet pas l’exercice des droits de la défense et qui est entièrement sous le contrôle du parquet, lui-même dépendant de la chancellerie. Le leader de la FI avait-il tort de dénoncer une «offensive politique»?
jeudi 25 octobre 2018
dimanche 21 octobre 2018
Ces « auxiliaires »…
Les accompagnants, unis au sein d’un collectif "AESH-AVS, unis pour un vrai métier", savent de quoi ils parlent.
«Ce vote, j’en suis convaincu, vous collera à la peau comme une infamie.» Chacun se souviendra longtemps de la colère froide de François Ruffin, le 11 octobre. Le député FI, qui défendait une proposition de loi relative à l’inclusion des élèves en situation de handicap portée par le Républicain Aurélien Pradié (comme quoi) et soutenue par toute l’opposition, prête à améliorer son contenu, fustigeait ainsi les élus la République en marche pour avoir rejeté le texte sans même participer aux échanges. Une petite «motion de rejet préalable» et, pour les députés macronistes, il n’y avait rien à débattre. Handicap ou pas handicap, circulez!
Odieux, le procédé témoignait de l’incapacité de la majorité à regarder le monde réel sans cette dose de profond mépris – qui lui vient de si haut. Oui, une infamie. Ne pas vouloir discuter d’une scolarité inclusive, qu’il s’agisse de la question du handicap ou non, c’est refuser de débattre de l’accueil de tous les enfants sans distinction à l’école de la République. Les accompagnants, unis au sein d’un collectif "AESH-AVS, unis pour un vrai métier", savent de quoi ils parlent. Ils témoignent dans l’Humanité et dénoncent la «grande mascarade» du gouvernement, les promesses non tenues du président et l’irresponsabilité des discours. La réalité du terrain ne ment pas. Accompagnants non ou mal formés, avec des contrats précaires permanents, sans parler de ces milliers d’élèves sans soutien réel. Conditions de travail dissimulées; manque de prise en charge minimisé…
Une statistique permet de comprendre ce qui se passe. Plus nous progressons dans le parcours scolaire, moins nous trouvons dans les classes d’enfants en situation de handicap. En 2017-2018, il y en avait 320 000 en milieu ordinaire, seulement 96 884 au collège, 31 128 au lycée, tandis que nous ne dénombrons que 25 000 étudiants identifiés… Les moyens manquent cruellement. Quant à la situation professionnelle ultraprécarisée des «auxiliaires» et des «accompagnants» (les mots en disent long parfois), elle ne suscite plus guère de vocation, et pour cause. Tout cela méritait – et mérite toujours – un grand débat parlementaire. Et bien plus: de vraies décisions.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 22 octobre 2018.]
«Ce vote, j’en suis convaincu, vous collera à la peau comme une infamie.» Chacun se souviendra longtemps de la colère froide de François Ruffin, le 11 octobre. Le député FI, qui défendait une proposition de loi relative à l’inclusion des élèves en situation de handicap portée par le Républicain Aurélien Pradié (comme quoi) et soutenue par toute l’opposition, prête à améliorer son contenu, fustigeait ainsi les élus la République en marche pour avoir rejeté le texte sans même participer aux échanges. Une petite «motion de rejet préalable» et, pour les députés macronistes, il n’y avait rien à débattre. Handicap ou pas handicap, circulez!
Odieux, le procédé témoignait de l’incapacité de la majorité à regarder le monde réel sans cette dose de profond mépris – qui lui vient de si haut. Oui, une infamie. Ne pas vouloir discuter d’une scolarité inclusive, qu’il s’agisse de la question du handicap ou non, c’est refuser de débattre de l’accueil de tous les enfants sans distinction à l’école de la République. Les accompagnants, unis au sein d’un collectif "AESH-AVS, unis pour un vrai métier", savent de quoi ils parlent. Ils témoignent dans l’Humanité et dénoncent la «grande mascarade» du gouvernement, les promesses non tenues du président et l’irresponsabilité des discours. La réalité du terrain ne ment pas. Accompagnants non ou mal formés, avec des contrats précaires permanents, sans parler de ces milliers d’élèves sans soutien réel. Conditions de travail dissimulées; manque de prise en charge minimisé…
Une statistique permet de comprendre ce qui se passe. Plus nous progressons dans le parcours scolaire, moins nous trouvons dans les classes d’enfants en situation de handicap. En 2017-2018, il y en avait 320 000 en milieu ordinaire, seulement 96 884 au collège, 31 128 au lycée, tandis que nous ne dénombrons que 25 000 étudiants identifiés… Les moyens manquent cruellement. Quant à la situation professionnelle ultraprécarisée des «auxiliaires» et des «accompagnants» (les mots en disent long parfois), elle ne suscite plus guère de vocation, et pour cause. Tout cela méritait – et mérite toujours – un grand débat parlementaire. Et bien plus: de vraies décisions.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 22 octobre 2018.]
jeudi 18 octobre 2018
Salaud(s)
Éric Zemmour, l’Action française revisitée.
Histrion. Ainsi donc, en moins d’un mois, l’ignoble Éric Zemmour aura monopolisé l’usage polémique de la parole obscène. La mécanique? Bien huilée. La dialectique? Machiavélique et faussement savante. Le propos? Souvent ordurier et insupportable, mais surtout ultrapolitique. Continuant de se sentir porté par des vents crépusculaires, identitaires et xénophobes dont il cherche à attiser la puissance, le porte-parole des nationalistes et de l’extrême droite aspire toujours au statut de «Maurras du XXIe siècle», abusant de tous les codes mis à sa disposition, en particulier quand il publie un nouveau livre. Quelle meilleure publicité que l’outrance et le chaos de la pensée? Souvenons-nous de ce qu’il écrivait dès 2014 dans "le Suicide français" (Albin Michel): «Maurras exalta jadis les quarante rois qui ont fait la France; il nous faut désormais conter les quarante années qui ont défait la France.» Mais de quelle France parle-t-il? Outre sa quête fanatique du n’importe quoi historique –ce qui le classe chaque jour un peu plus dans la catégorie des «histrions», ce que démontrent fréquemment de nombreux historiens–, outre qu’il raconte n’importe quoi sur l’immigration, outre qu’il exalte une fois encore la figure de Pétain au point de le réhabiliter entre les lignes, tout lui semble permis dans Destin français (Albin Michel), qui s’arrache actuellement dans les librairies. Ne nous trompons pas. Éric Zemmour n’est plus l’ultraréactionnaire que nous connaissions jadis. Il est dorénavant un collabo de l’extrême droite. Vous connaissez le refrain. La France se meurt, la France est morte… Voici le petit fascicule du petit homme au service d’une France fantasmée, destinée à provoquer la peur, toutes les peurs.
Histrion. Ainsi donc, en moins d’un mois, l’ignoble Éric Zemmour aura monopolisé l’usage polémique de la parole obscène. La mécanique? Bien huilée. La dialectique? Machiavélique et faussement savante. Le propos? Souvent ordurier et insupportable, mais surtout ultrapolitique. Continuant de se sentir porté par des vents crépusculaires, identitaires et xénophobes dont il cherche à attiser la puissance, le porte-parole des nationalistes et de l’extrême droite aspire toujours au statut de «Maurras du XXIe siècle», abusant de tous les codes mis à sa disposition, en particulier quand il publie un nouveau livre. Quelle meilleure publicité que l’outrance et le chaos de la pensée? Souvenons-nous de ce qu’il écrivait dès 2014 dans "le Suicide français" (Albin Michel): «Maurras exalta jadis les quarante rois qui ont fait la France; il nous faut désormais conter les quarante années qui ont défait la France.» Mais de quelle France parle-t-il? Outre sa quête fanatique du n’importe quoi historique –ce qui le classe chaque jour un peu plus dans la catégorie des «histrions», ce que démontrent fréquemment de nombreux historiens–, outre qu’il raconte n’importe quoi sur l’immigration, outre qu’il exalte une fois encore la figure de Pétain au point de le réhabiliter entre les lignes, tout lui semble permis dans Destin français (Albin Michel), qui s’arrache actuellement dans les librairies. Ne nous trompons pas. Éric Zemmour n’est plus l’ultraréactionnaire que nous connaissions jadis. Il est dorénavant un collabo de l’extrême droite. Vous connaissez le refrain. La France se meurt, la France est morte… Voici le petit fascicule du petit homme au service d’une France fantasmée, destinée à provoquer la peur, toutes les peurs.
dimanche 14 octobre 2018
Horloges détraquées
Qui peut nier que nous assistons à une crise
gouvernementale d’ampleur? Or, entre la crise gouvernementale et la
crise politique, il n’y a qu’une frontière: la crise de confiance. Nous y
sommes.
Au cas où vous l’auriez oublié –soit par lassitude, soit par désintérêt–, nous devrions connaître en ce début de semaine le nouveau casting gouvernemental. Ce lundi? Mardi? Un peu plus tard? À ce niveau de suspense et d’attente, nous ne savons que penser, sinon que, à l’évidence, la «volonté de faire au mieux», brandie par l’exécutif, masque mal les épouvantables difficultés de ressources humaines du côté de la start-up nation… Après deux semaines de tergiversations, de rumeurs et d’informations contredites, Emmanuel Macron et Édouard Philippe n’avaient pas «complètement calé» le dispositif, hier, selon des indiscrétions venant de l’Élysée. On nous affirme que le maître des horloges assume de prendre son temps. Mais le maître ressemble à un apprenti retardataire peinant dans la recherche du temps perdu; quant aux horloges, elles paraissent bien détraquées pour qui se prend pour Jupiter et prétend gérer les affaires de l’État avec «le devoir de faire vite».
Vu que nous n’attendons rien de neuf de nouvelles têtes au service absolu d’un pouvoir personnel, nous pourrions nous amuser de cette situation surréaliste et nous rassurer joyeusement en nous disant qu’une chimère politique est définitivement en train de s’effondrer. Le symptôme est pourtant grave. Qui peut nier que nous assistons à une crise gouvernementale d’ampleur? Or, entre la crise gouvernementale et la crise politique, il n’y a qu’une frontière: la crise de confiance. Nous y sommes. Et même au-delà. L’illusion du «et de droite et de gauche» a vécu et avec elle s’estompe progressivement l’escroquerie politique et intellectuelle du macronisme. Début octobre, le président déclarait: «J’observe, j’écoute, j’entends», ajoutant qu’il admettait ne pas être «parfait» au point de vouloir se «corriger». Deux semaines plus tard, la correction est sévère. Colmater les brèches gouvernementales ne renversera pas l’injustice à tous les étages qui caractérise ce quinquennat… et encore moins l’opinion des Français.
Au cas où vous l’auriez oublié –soit par lassitude, soit par désintérêt–, nous devrions connaître en ce début de semaine le nouveau casting gouvernemental. Ce lundi? Mardi? Un peu plus tard? À ce niveau de suspense et d’attente, nous ne savons que penser, sinon que, à l’évidence, la «volonté de faire au mieux», brandie par l’exécutif, masque mal les épouvantables difficultés de ressources humaines du côté de la start-up nation… Après deux semaines de tergiversations, de rumeurs et d’informations contredites, Emmanuel Macron et Édouard Philippe n’avaient pas «complètement calé» le dispositif, hier, selon des indiscrétions venant de l’Élysée. On nous affirme que le maître des horloges assume de prendre son temps. Mais le maître ressemble à un apprenti retardataire peinant dans la recherche du temps perdu; quant aux horloges, elles paraissent bien détraquées pour qui se prend pour Jupiter et prétend gérer les affaires de l’État avec «le devoir de faire vite».
Vu que nous n’attendons rien de neuf de nouvelles têtes au service absolu d’un pouvoir personnel, nous pourrions nous amuser de cette situation surréaliste et nous rassurer joyeusement en nous disant qu’une chimère politique est définitivement en train de s’effondrer. Le symptôme est pourtant grave. Qui peut nier que nous assistons à une crise gouvernementale d’ampleur? Or, entre la crise gouvernementale et la crise politique, il n’y a qu’une frontière: la crise de confiance. Nous y sommes. Et même au-delà. L’illusion du «et de droite et de gauche» a vécu et avec elle s’estompe progressivement l’escroquerie politique et intellectuelle du macronisme. Début octobre, le président déclarait: «J’observe, j’écoute, j’entends», ajoutant qu’il admettait ne pas être «parfait» au point de vouloir se «corriger». Deux semaines plus tard, la correction est sévère. Colmater les brèches gouvernementales ne renversera pas l’injustice à tous les étages qui caractérise ce quinquennat… et encore moins l’opinion des Français.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 15 octobre 2018.]
vendredi 12 octobre 2018
Lignée(s)
Perte. Octobre avance et le soleil se consume dans le ciel comme une explosion de chagrin, disloqués aux tréfonds de nos êtres par la disparition de celui grâce auquel nos vies changèrent, non pas dans les marges de nos apprentissages les plus fondamentaux, mais en leurs cœurs mêmes. Michel Vovelle a donc pris la tangente, à l’âge de 85 ans, rejoignant les feux sacrés de ceux qui nous brûlent de bonheur depuis si longtemps. Puisque l’histoire n’est pas seulement une science du passé mais aussi une connaissance du présent avec l’épaisseur du temps, l’immense tristesse qui ne nous quitte plus ne s’explique pas que par la perte de l’ami, du camarade communiste (depuis 1956), du «père» spirituel (il détestait l’idée), du «maître» comme il y en eut si peu au fil de nos trajectoires respectives. Ce qui prend fin et nous retourne l’âme, ce que l’immense historien Michel Vovelle emporte avec lui, ce n’est pas ce que nous aurions partagé avec incandescence à un moment ou à un autre, ici ou là, dans le secret jalousé des lectures abondantes de son œuvre monumentale, c’est le monde même, une certaine origine du monde, la sienne sans doute mais celle aussi du monde dans lequel nous avons vécu, dans lequel nous nous sommes formés et battus, dans lequel il nous a transmis un savoir vital, et partant, c’est «notre» origine du monde en quelque sorte, une origine unique. Oui, une part de nous-mêmes vient de disparaître; de manière irréfutable. Comme nous semble irréfutable la possibilité qu’un monde différent apparaisse aux vivants – dans la mémoire et la fidélité de son legs.
vendredi 5 octobre 2018
Chiffrage(s)
Calcul. Nous nous surprenons parfois à être insensibles aux coups de pointe reçus de ceux qui maintiennent bien au chaud l’«ordre social établi», habitués que nous sommes à retourner les attaques contre ces adversaires, visages et voix débordant de fraternité bénigne, puissants aux mains blanches parce que d’autres travaillent pour eux. Nous savons tout –ou presque– de la lutte des classes, des conflits d’intérêts, de l’antagonisme profond entre le travail et le capital, qui projettent sur nos existences ce que Jack London nommait déjà en son temps «le Talon de fer», chef-d’œuvre publié en 1908. Le romancier visionnaire, qui avait si bien anticipé à la suite de Karl Marx le règne totalitaire de l’oligarchie par la globalisation capitaliste, n’imaginait sans doute pas que, quatre ou cinq générations plus tard, en Occident, calculer le prix d’une vie humaine deviendrait aussi banal qu’une vulgaire cotation en Bourse. Vous ne rêvez pas. Chers lecteurs, soyez les bienvenus dans le monde réel, et sachez que, en France, la «valeur» de votre vie est, d’après un rapport très officiel du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, évaluée à 3 millions d’euros…
lundi 1 octobre 2018
Comme ils disent
Macron-le-sage serait sur la bonne voie. Non seulement il admet ne pas être «parfait» et vouloir se «corriger», mais l’hôte du Palais souhaiterait passer d’une posture «jupitérienne» à un président «du quotidien».
Cette fois –parole d’Emmanuel Macron–, nous allons voir ce que nous allons voir! «J’observe, j’écoute, j’entends», a donc déclaré le chef de l’État au journal le Monde, lors de son retour d’un voyage aux Antilles, évoquant tout de même la «mission» pour laquelle il a été élu: «Le devoir de faire.» Car voyez-vous, Macron-le-sage serait sur la bonne voie. Non seulement il admet ne pas être «parfait» et vouloir se «corriger», mais l’hôte du Palais souhaiterait passer d’une posture «jupitérienne» à un président «du quotidien». Et nous devons le croire. Affaibli par des sondages en berne, accusé d’être distant et méprisant, l’homme serait en train de redescendre sur terre au point de reconsidérer sa posture et à se réformer lui-même. «Aidez-moi», a-t-il par exemple lancé, en direct des Antilles, «j’ai besoin de vous, journalistes, population, élus». Quel bel élan, n’est-ce pas? Quel altruisme, quelle générosité, quel esprit d’écoute en effet… sauf quand il précise que, s’il a «besoin» de tant de monde, c’est bel et bien pour expliquer l’action de l’exécutif. Bref, Emmanuel Macron, devenu son principal ennemi, cherche des volontaires pour son service après-vente. La petite musique devient habituelle: le problème c’est la forme, pas le fond. «Pé-da-go-gie», clame-t-on à l’Élysée.
Seulement voilà, la forme c’est toujours du fond qui remonte à la surface. Ses petites phrases, comme «traverser la rue», «pognon de dingue» et tant d’autres, ne viennent jamais de nulle part. Elles reflètent trait pour trait la politique conduite et sont évidemment perçues pour ce qu’elles sont: l’expression verbale des injustices subies par les contre-réformes. Voilà ce qu’il y a de fondamental! Dire que Macron sombre dans les sondages uniquement pour son manque de maintien est une explication un peu sommaire. Même Alain Minc, l’un des très proches visiteurs du soir, prend acte du «bonapartisme» du chef de l’État et met en garde contre un «risque de giscardisation». On croit rêver. Vous connaissez la formule: changer pour que rien ne change. Surtout l’essentiel.
Cette fois –parole d’Emmanuel Macron–, nous allons voir ce que nous allons voir! «J’observe, j’écoute, j’entends», a donc déclaré le chef de l’État au journal le Monde, lors de son retour d’un voyage aux Antilles, évoquant tout de même la «mission» pour laquelle il a été élu: «Le devoir de faire.» Car voyez-vous, Macron-le-sage serait sur la bonne voie. Non seulement il admet ne pas être «parfait» et vouloir se «corriger», mais l’hôte du Palais souhaiterait passer d’une posture «jupitérienne» à un président «du quotidien». Et nous devons le croire. Affaibli par des sondages en berne, accusé d’être distant et méprisant, l’homme serait en train de redescendre sur terre au point de reconsidérer sa posture et à se réformer lui-même. «Aidez-moi», a-t-il par exemple lancé, en direct des Antilles, «j’ai besoin de vous, journalistes, population, élus». Quel bel élan, n’est-ce pas? Quel altruisme, quelle générosité, quel esprit d’écoute en effet… sauf quand il précise que, s’il a «besoin» de tant de monde, c’est bel et bien pour expliquer l’action de l’exécutif. Bref, Emmanuel Macron, devenu son principal ennemi, cherche des volontaires pour son service après-vente. La petite musique devient habituelle: le problème c’est la forme, pas le fond. «Pé-da-go-gie», clame-t-on à l’Élysée.
Seulement voilà, la forme c’est toujours du fond qui remonte à la surface. Ses petites phrases, comme «traverser la rue», «pognon de dingue» et tant d’autres, ne viennent jamais de nulle part. Elles reflètent trait pour trait la politique conduite et sont évidemment perçues pour ce qu’elles sont: l’expression verbale des injustices subies par les contre-réformes. Voilà ce qu’il y a de fondamental! Dire que Macron sombre dans les sondages uniquement pour son manque de maintien est une explication un peu sommaire. Même Alain Minc, l’un des très proches visiteurs du soir, prend acte du «bonapartisme» du chef de l’État et met en garde contre un «risque de giscardisation». On croit rêver. Vous connaissez la formule: changer pour que rien ne change. Surtout l’essentiel.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 2 octobre 2018.]