vendredi 29 mai 2015

Panthéon(s): l'oubli impardonnable d'un président dit "de gauche"

Tous les héros de la Résistance sont nôtres. Pas pour François Hollande, qui oublie les communistes.

Les membres du groupe Manouchian, bientôt fusillés.

Choix. Nier la vérité des faits et des actes d’histoire, faire bon marché du sang séché des hommes, relève, dans la plupart des cas, de l’intention politique plus ou moins avouée. Dans les habits de la fonction, n’est pas de Gaulle qui veut – tout le monde n’est pas l’un des premiers à l’heure dite non plus… Difficile tâche pour un président, n’est-ce pas, que de devoir se «mettre en accord avec ses arrière-pensées», comme le réclamait le Général. François Hollande y parvient-il parfois? Et jusqu’où son impensé idéologique le conduit-il, vers quels coups tordus, lorsqu’il prend des décisions symboliques censées graver le marbre de la République dans ce qu’elle a de plus sacré? En installant au Panthéon Germaine Tillion, Geneviève Anthonioz-de Gaulle, Jean Zay et Pierre Brossolette, le chef de l’État a honoré quatre facettes d’un courage admirable, non discutable, deux femmes et deux hommes dont les combats et les destins ont aidé à sceller le renouveau de la République au cœur de la nuit pétainiste et nazie. Ces quatre visages tutélaires, dressés dans nos mémoires, têtes droites, méritaient la reconnaissance de la nation; ils sont légitimes; ils ont notre respect et notre admiration… Mais que les choses soient claires, néanmoins. En refusant la même reconnaissance à l’une ou l’autre des grandes figures communistes de la Résistance, cette même mémoire du pouvoir en place (nous n’écrirons pas ici, justement, «la République») s’avère pour le moins sélective. En politique, un oubli est toujours un choix; surtout quand on fraye dans la matière sensible des grands Livres du récit national. En assumant l’amnésie, le chef de l’État a volontairement décidé d’affaiblir – et d’entacher gravement – le message historique d’un des plus importants gestes de son quinquennat.

jeudi 28 mai 2015

L'Europe des peuples

En Espagne, en Grèce comme ailleurs, entre humiliations subies et colères sociales naissantes, des poings continuent de se serrer pour dire « stop ».

Ces lignes, écrites sans aucun excès d’enthousiasme, juste placées sous l’égide de la réalité, ne témoignent que d’un examen d’émotion qu’appelle la lucidité des circonstances. Les Espagnols ont bel et bien adressé, dimanche soir, un avertissement aux partis austéritaires dominants, lors des élections municipales et régionales, entrouvrant par exemple les portes de la mairie de Barcelone à une candidate alternative, Ada Colau, admirable militante anti-expulsions. Podemos, principal héritier des Indignés, s’enracine désormais durablement dans le paysage politique et progresse dans de nombreux endroits, ce qui montre de manière éclatante, si besoin était, qu’un mouvement populaire né tout «en bas», associé aux partis traditionnels de résistance sociale, peut faire «de la» politique et fabriquer «du» politique. Le bipartisme espagnol s’en trouve bousculé, bientôt peut-être sera-t-il balayé. Cette élection constitue donc l’une des bonnes surprises de ces derniers mois. Il ne s’agit pas encore d’un raz-de-marée, mais d’une nouvelle brèche au cœur de l’Europe. Un signal fort!

jeudi 21 mai 2015

Robolution(s): le futur c'est aujourd'hui

Les spécialistes l’affirment: avec les progrès des machines, 30% à 70% des emplois seront perdus d’ici trente ans.
 
Machines. Un matin vous vous réveillez dans un clair de jour en apparence ordinaire, un jour comme les autres que vous voudriez ne conjuguer qu’au présent, pourtant, à la faveur d’une information captée à la radio, vous découvrez que le futur vous a déjà arraisonnés – et avec lui ont resurgi quelques vieux fantasmes du temps de vos lectures d’adolescence que vous pensiez enfouies dans votre mémoire morte. «La robotisation des outils industriels pourrait détruire 3millions de postes en France d’ici à 2025.» Peu de mots ont pénétré votre cerveau, mais beaucoup de conséquences s’y bousculent. «Au sein du marché de l’emploi français, 42% des métiers présentent une probabilité d’automatisation forte du fait de la numérisation de l’économie.» Voilà, c’est dit, et tous les récits d’anticipation qui ont nourri votre imagination apeurée trouvent soudain une traduction presque concrète, vérifiée par le journalisme officiel, accréditée par les économistes mondialisés, tandis que les faits avancés en cascade donnent le tournis, même si vous vous doutiez bien que les progrès de la numérisation de l’outil industriel auraient (fatalement?) des conséquences sur les métiers historiquement automatisables et la façon de travailler en usine.

dimanche 17 mai 2015

Charlie(s): les manifestants, l'esprit républicain, l'islam...

Quand Emmanuel Todd tente de déconstruire le 11 janvier.
 
Zombies. Emmanuel Todd dit ne pas regretter «d’avoir attendu» avant de réagir aux événements de janvier dernier. Au moins a-t-il raison d’affirmer qu’un chercheur de son rang doit apporter autre chose «qu’une morale pure ou une idéologie de meilleure qualité, mais une interprétation objective des faits qui ont échappé aux acteurs eux-mêmes, emportés par l’émotion, mus par des préférences souvent obscures ou carrément inconscientes». Quelques mois donc, avant de publier le tonitruant ''Qui est Charlie?'' (Seuil), un peu plus de 240 pages souvent brillantes, parfois irritantes, toujours dérangeantes dans la mesure où le célèbre historien, anthropologue et démographe, qui n’a plus à prouver l’excellence ni l’importance de la plupart de ses travaux depuis quarante ans, s’emploie dans ce texte à déconstruire l’une des rares communions solennelles de la République depuis la Libération, celle du 11 janvier, qui avait rassemblé dans la rue quatre millions de personnes, censément venues là pour défendre l’essentiel, une certaine idée de la démocratie, de la liberté d’expression et, sait-on jamais, un goût pour l’incarnation de l’être-républicain.  

Quotas et migrants

Quand Manuel Valls parle quasiment comme Nicolas Sarkozy et refuse la proposition de la Commission européenne.
 
Les choses sont claires. Pour répondre à la proposition de la Commission européenne d’imposer des quotas de réfugiés aux États membres, Manuel Valls et Nicolas Sarkozy ont usé d’une même voix. «Je suis contre» car «cela n’a jamais correspondu aux positions françaises», a déclaré le premier ministre, que François Hollande avait dépêché en gare de Menton pour signifier l’importance symbolique du lieu où il s’exprimerait sur le sujet. Comme en écho, l’ex-président et patron de l’UMP a parlé d’«une folie». Pour Valls et Sarkozy, la France doit donc pouvoir choisir elle-même les forçats de l’exil qu’elle accueille, quelles que soient les circonstances. Ces rhétoriques communes, qui devraient satisfaire les éditorialistes du Figaro, sont non seulement une entrave à l’esprit de notre pays mais surtout un blanc-seing à ceux qui, partout dans l’UE, veulent encore renforcer les dispositifs de cette Europe forteresse qui s’est absurdement construite sous nos yeux ces dernières années…