dimanche 26 avril 2015

Infâme(s): Hollande l'amnésique

Comparer le PCF des années 1970 au Front nationaliste: une insulte à l’Histoire.
 
Blessure. Nous avons, nous autres ­héritiers d’une vieille ambition, une créance que nous devons aux artisans d’une longue tradition de gauche. Le goût de l’aventure collective ne tombe jamais de nulle part. Une certaine éthique de communauté ne s’épingle pas dans nos esprits par hasard. L’engagement sincère n’est pas fait pour ceux qui veulent avoir des preuves, mais pour ceux qui veulent subir des épreuves. Ainsi l’ampleur de l’épreuve que nous venons de ressentir après les propos de Normal Ier ne se mesure qu’à l’aune de cet engagement fidèle qui parcourt nos existences et pour lequel nous fûmes et sommes encore prêts à de nombreux sacrifices. Il y a en effet quelque chose d’infâme, d’abject, d’assister à un tel arraisonnement de l’intelligence. Quand des arguments de caniveau viennent saturer l’Histoire – qui ne manque pas de profanations – et salir ceux-là mêmes qui les profèrent. Au temps du règne de Nicoléon, nous étions habitués aux amalgames. N’avait-il pas établi un parallèle entre le discours de Fifille-la-voilà et celui de Jean-Luc Mélenchon? Cette fois l’affaire est plus grave, plus épouvantable évidemment puisqu’elle vient d’un président de gauche: Normal Ier n’a pas hésité à comparer le PCF des années 1970 et le Front nationaliste. Un déshonneur total.
 

Macron, ou la passion capitaliste

Ce n’est plus la simple conversion couchée sur papier d’un ministre dit «de gauche», c’est un plaidoyer enflammé à la gloire du capitalisme tout court!

«Nous avons les moyens de façonner un capitalisme à l’image de nos ambitions.» Vous ne rêvez pas, ainsi débute une tribune écrite par Emmanuel Macron intitulée «Retrouver l’esprit industriel du capitalisme» et publiée dans les colonnes du Monde ce week-end. Eu égard aux paroles et aux actes du ministre de l’Économie depuis des mois, nous pourrions considérer qu’il n’y a rien de neuf sous le soleil crépusculaire du gouvernement, surtout quand c’est l’ancien banquier d’affaires de chez Rothschild en personne qui donne des leçons de libéralisme appliqué. Sauf que la lecture attentive de ce texte vaut désormais définition. Pour M. Macron, sachons-le une bonne fois pour toutes, le temps de ce qu’il appelle le «capitalisme d’État» de «la tradition colbertiste» est révolu. Sous sa plume, vous ne lirez pourtant pas les mots «régulation» ou «rupture», ni pour un futur proche, ni jamais. Juste le discours d’adaptation au capitalisme. Rien de plus, rien de moins. Emmanuel Macron, c’est Édouard Balladur, Alain Madelin et Jacques Delors dans le même cerveau. Et si vous en doutez, sachez que pour lui la France a besoin «d’un capitalisme de long terme, qui accompagne nos entreprises dans leurs investissements», et encore et toujours de la «création de valeur actionnariale» pour «faire émerger de nouveaux champions du CAC 40». Emmanuel Macron pense d’ailleurs aller «plus loin pour rendre la fiscalité des actionnaires plus encourageante», car l’actionnariat salarié, à l’image de ce qui se fait chez «Google ou Facebook» (sic!), serait l’alpha et l’oméga de l’avenir de nos entreprises…
 

samedi 25 avril 2015

Vous avez dit "dialogue social"?

La loi Rebsamen ressemble bel et bien à une arme contre les représentants du personnel!
 
Il y a quelques jours, le journal le Monde, comme souvent dans ces cas-là, tentait de rassurer l’establishment médiatico-politique à propos du projet de loi Rebsamen sur le «dialogue social», présenté ce mercredi en Conseil des ministres. Pour le quotidien du soir, ledit texte ne «fâcherait personne» et serait même «équilibré». Même tonalité du côté de Libération, qui évoquait un «toilettage plus qu’une révolution». Tout irait donc pour le mieux dans la meilleure des France. On croit rêver. Car la CGT, FO et même la CGPME ne partagent pas du tout ce point de vue laudateur et mensonger. Si le ministre du Travail, François Rebsamen, reconnaît timidement la nécessité de doter d’une représentation les salariés des très petites entreprises, il veut en affaiblir d’emblée les prérogatives en fusionnant les instances représentatives des entreprises de moins de ­
300 salariés. À la plus grande joie des dirigeants du Medef qui ne détesteraient pas se débarrasser des comités d’entreprise et autres CHSCT, sans lesquels nous savons ce qu’il adviendrait des droits des salariés et du fameux «dialogue social». Cette extension de la délégation unique du personnel (DUP), déjà expérimentée çà et là, s’avère mortifère, d’autant que le Medef caresse un rêve: que cette loi soit un coup d’essai, avant une extension plus vaste encore, à l’ensemble des entreprises. La loi Rebsamen ressemble bel et bien à une arme contre les représentants du personnel!
 

vendredi 17 avril 2015

Démocratôlatre(s): la fin d'un mot...

Le but 
des sociaux-libéraux? 
Rayer le mot «socialiste» et créer un parti démocrate.

Rêve. «La victoire aux élections? Oui, tant mieux. Et puis après? Préparer un autre avenir, c’est aussi engager les leçons du passé.» C’était il y a trois ans, trois ans déjà. Le philosophe et médiologue Régis Debray publiait le tonitruant Rêverie de gauche (Flammarion) et prévenait ceux qui sav(ai)ent encore lire que rien de mécanique ne dicte l’action politique, surtout quand elle est structurée par les arrière-pensées de ceux qui prétendent la mettre en œuvre. Plus qu’une épreuve ou un plaisir, rouvrir ce magistral livre nous apparaissait aujourd’hui comme une envie, sinon une nécessité, en tant qu’illustration durable de ce qu’il convient parfois d’anticiper pour ne pas feindre l’étonnement. Les premières phrases de Régis Debray étaient les suivantes: «Les urnes sont des boîtes à double fond, électoral et funéraire; elles recueillent, avec un léger décalage, nos rêves et nos cendres.» Et les toutes dernières résonnaient telle une prophétie inversée: «Rêvasser n’est pas toujours délirer. Ce ne sont pas des chimères qui émergent de ces moments à la Jean-Jacques où “on laisse sa tête entièrement libre, et ses idées suivre leur pente sans résistance et sans gêne”, mais aussi des rappels, ou des espoirs, ou les deux. Et je continue de croire possible la présence au forum d’hommes et de femmes épris de justice, capables de rester fidèles à leur intégrité, leur langue, leur histoire et leur quant-à-soi – bref, à leur raison d’être.» Nous savons depuis ce qu’il est advenu du rêve un peu fou de croire en une gauche sociale-libérale si peu fidèle à son histoire et si peu intègre avec ses manières de nouvelle riche qu’elle a bazardées aussi vite qu’annoncées les rares promesses «sociales» consenties le temps d’un discours resté célèbre, hélas, pour ce qu’il laissait croire et non ce qu’il disait…

jeudi 16 avril 2015

Orange: ce travail qui tue...

Idée insupportable, celle que le suicide puisse devenir un acte ultime de renoncement, parfois de résistance. Exemple chez Orange, ex-France Télécom...

Le suicide, disait Victor Hugo, est une «mystérieuse voie de fait sur l’inconnu». Parfois ce mystère – appelons-le «les racines du mal» – se trouve là sous nos yeux, identifiable et identifié, prêt à ruiner les êtres les plus solides. Répétons-le: ceux qui se suicident au travail ne sont que très rarement des dépressifs ou des mélancoliques, mais plutôt ceux qui aiment leur travail et se dévouent sans compter. Les salariés d’Orange, ex-France Télécom, en savent quelque chose. Un rapport accablant de l’inspection du travail révèle à quel point les pratiques managériales sont à la source, aujourd’hui encore, de la détresse extrême des salariés. Après les vagues de suicides des années 2000, les dirigeants actuels avaient affirmé, la main sur le cœur, que tout avait changé. Il n’en est rien. Travailler tue encore chez Orange: 21 suicides en 2014, déjà 6 en 2015…

Idée insupportable, celle que le suicide puisse devenir un acte ultime de renoncement, parfois de résistance.

vendredi 10 avril 2015

Néocon(s): les raisons d'un vote reptilien

La séquence électorale laisse les citoyens incapables d’entrevoir le récit d’une France meilleure.
 
Droitisation. Prisonniers de nos solitudes par temps de crises (le pluriel a son importance), nous aspirons au recul utile, comme aspirés par la tâche ingrate de cette recherche du bonheur collectif en fuite, avec au creux du ventre, tenace et traitresse, la crainte de nous retrouver noyés dans une nuit plus profonde encore. Ce recul nécessaire, comme courage d’affronter l’absolu en nous arrachant du monde familier et des commentaires éculés, pour reprendre souffle, force et vigueur, après une séquence électorale qui laisse les citoyens de ce pays un peu groggys et surtout incapables d’entrevoir le récit d’une France meilleure. La page blanche d’une République à réinventer de fond en comble, en somme. Pessimiste en diable, le sociologue et éditeur Jean Viard écrivait la semaine dernière dans Libé le commentaire suivant: «Les vrais vainqueurs, ce sont les Français sans utopie, tristes de leur futur, déçus de leurs rêves. Certains sont allés voter pour faire barrage au FN, à droite ou à gauche. Certains même votent FN par désespoir. C’est ceux-là qu’il faut écouter. Ils sont en deuil du rêve révolutionnaire de leurs parents de 68, ou du rêve gaulliste.» Beaucoup d’analystes le pensent: le scrutin départemental aurait renforcé le processus d’extrême droitisation de la vie politique française. Exemples: la percée du Front nationaliste sur l’ensemble de nos territoires; mais aussi l’hystérisation des propos anti-islam de Nicoléon durant les meetings (cantines scolaires, voile, etc.), qui ressemblaient de plus en plus à une nouvelle campagne buissonniène. Sans parler du climat général lui-même, qui infuse jour après jour, mois après mois, année après année, dans un néoconservatisme très maurassien, avec ses relents xénophobes, sexistes, homophobes, plus proche d’un travail-famille-patrie que de liberté-égalité-fraternité, avec ses pôles islamophobe (Zemmour) et antisémite (Soral).

jeudi 2 avril 2015

Notabilisation(s): la chute du socialisme local?

L’option sociale-libérale de Normal Ier, une machine à autodétruire le PS.
 
Désastre. Pour les journalistes aussi, chaque situation possède deux faces. L’une en pleine lumière, où l’exactitude et la minutie de la description s’avèrent à la fois possibles et nécessaires. Mais il y a aussi l’autre moitié dans l’ombre, et que nous ne pouvons décrire sans forcer les portes du réel, souvent elles-mêmes emportées par l’irrésistible courant de conscience dès qu’elles s’entrouvrent. Depuis dimanche soir, dans les états-majors socialistes (à Solférino, au Palais, à Matignon ou dans les cabinets ministériels), tous nos interlocuteurs mélancolisent leurs propos, flirtant avec l’irrationnel, voire l’ultra-pessimisme, comme si l’Histoire, à force de vouloir en sortir, les avait tous rattrapés à coups de crocs. «S’il fallait raisonner par l’absurde, déclare un avocat du sérail reconverti en conseiller technique ministériel, je dirais que nous avons subi une défaite cuisante dans laquelle chacun peut créditer sa propre analyse, et c’est bien le drame. Nous sommes tous gagnants, car tous perdants!» Un ancien proche de Jean-Marc Ayrault, débarqué depuis l’arrivée de Manuel Valls, précise sans détour: «Bien sûr que la gauche était dispersée à cette élection. Mais à quoi sert de le rabâcher pour justifier une déculottée. L’important, c’est de comprendre pourquoi la politique du gouvernement actuel ne peut pas rassembler sur sa gauche et plonge notre électorat dans l’abstention massive…»

mercredi 1 avril 2015

Valls en Big Brother

La fibre sécuritaire de Manuel Valls est connue. Ami intime de l’ex-conseiller de Sarkozy, le criminologue Alain Bauer, qu’il continue de fréquenter assidûment comme au bon temps de leurs études à la fac de Tolbiac...

Les plus grands dangers pour une démocratie surgissent parfois sournoisement. À la faveur d’un projet de loi relatif au renseignement, qui arrive en commission au Parlement, magistrats, juristes et responsables d’associations expriment leurs plus grandes inquiétudes devant ce qu’ils considèrent comme potentiellement une machine à museler et à bâillonner les citoyens, une surveillance de masse. La peur, ce puissant ressort. Profitant de l’émotion légitime suscitée par les attentats de janvier, le gouvernement veut imposer les mesures les plus liberticides jamais votées depuis l’état d’urgence. Moderniser les services de renseignements est une chose, une autre serait d’élargir la «surveillance» bien au-delà du seul terrorisme. Que viennent faire là-dedans la «défense nationale», la «lutte contre le banditisme», les «intérêts économiques et scientifiques» ou encore les «violences collectives» et la «paix publique»? Tout serait dès lors permis, y compris la mise sur écoute d’un syndicaliste en amont d’une manifestation ou de toute personne ayant participé à un rassemblement. Tous soupçonnés!