jeudi 30 janvier 2014

Arrière-pensées: que ces socialistes-là changent de nom!

Une gauche 
qui se prétend de gauche mais qui apporte des réponses de droite 
à des questions 
de gauche n’est 
plus de gauche. 

De Gaulle répétait souvent qu’il fallait «toujours se mettre en accord avec ses arrière-pensées». François Hollande ferait bien de s’en inspirer. La gêne constatée hier dans son proche entourage avait quelque chose de révélateur. Oui ou non, le chef de l’État a-t-il rencontré Peter Hartz, le tristement célèbre «père» des «réformes» éponymes du marché du travail en Allemagne? Pour la presse d’outre-Rhin, pas de doute, le sulfureux homme serait même devenu l’un des conseillers du président. Au regard du cap politique actuel, nous nous sommes d’abord dit que cette information, pour inquiétante qu’elle soit, n’était que la confirmation d’une dérive libérale assumée. Mais, comme pris de panique devant le flagrant délit de collaboration avec le liquidateur des droits sociaux sous Schroeder, l’Élysée a finalement cru bon de démentir l’odieux anathème. Non, Peter Hartz «ne conseille pas» François Hollande, même si ce dernier l’a bien vu il y a deux mois. Ça vous rassure, vous?

Nous avions entendu un peu plus tôt les propos alambiqués de Michel Sapin: «Qu’on écoute Peter Hartz, qu’on parle avec lui, ça me paraît être la moindre des choses. C’est quelqu’un d’intéressant. On a le droit d’ouvrir les oreilles, d’ouvrir les yeux.» Tendez vos oreilles et ouvrez bien les yeux sur le modèle allemand, braves gens, le ministre du Travail socialiste vous y invite de toute urgence!

vendredi 24 janvier 2014

Postsocialiste(s): ou la conversion libérale de Normal Ier

Les socialistes dominants – le chef de l’État, l’exécutif, les principaux ministres, les relais intermédiaires et leurs corps constitués – ont semble-t-il embarqué pour un long voyage dans le train fou du libéralisme.
 
Capitalisme. Face au vertige français, qui épuise ces temps-ci tous les regards potentiellement compassionnels sur nos socialistes au pouvoir, le bloc-noteur sait pourquoi il a toujours préféré une bonne gauche tragique ferme sur ses principes à une gauche divinisée par le pouvoir et électrisée par la modernité économique des communicants du libéralisme. Si l’histoire s’affronte toujours à la technostructure, nous ne nous méfions jamais assez des prêcheurs de bons sentiments qui, la main sur le cœur, vérifient d’abord que leur portefeuille est bien rangé, et oublient, juste après, qu’ils doivent résister à l’empire de la finance globalisée, sauvegarder l’esprit et la lettre des services publics nés de l’Idée républicaine, ne pas nier les classes sociales et, accessoirement, défendre d’abord et avant tout ceux qui souffrent le plus au nom du bien commun et de l’intérêt général. De bien grands mots, n’est-ce pas. Ronflants et pesants à souhait. Mais qui les honorera encore, quand nos beaux «progressistes» de la Rose les auront suppliciés jusqu’à les nier? Quand les Lumières faiblissent dans la salle des Illustres, seul les obscures brillent. Plus question ici d’Anciens ou de Modernes. La ligne de partage se situe ailleurs: entre l’acceptation du capitalisme ou non. Réjouissons-nous, car d’une certaine manière, nous revoilà aux fondamentaux, balle au centre.

dimanche 19 janvier 2014

Romancier(s): les vivants et les morts...

Le dernier roman de Gérard Mordillat, "Xenia", plus saisissant que jamais. La disparition d'un immense écrivain, hélas trop peu connu: Denis Belloc.

Mordillat. Raconter le monde – et déjà vouloir le changer. Il y a quelque chose d’absolument fascinant dans "Xenia" (éditions Calmann-Lévy), le dernier roman de Gérard Mordillat, qui nous embarque dans l’épopée en apparence ordinaire de deux femmes de peu, tellement ordinaires l’une comme l’autre d’ailleurs que nous pourrions y reconnaître des voisines d’immeuble, de nos quartiers, citoyennes de partout mais jamais de nulle part – puisque nous les connaissons. L’histoire n’est surtout pas qu’un prétexte, sauf à négliger (pas dans ces colonnes) ce qui nous porte et nous révolte. L’héroïne s’appelle Xenia, l’étrangère en grec. Magnifique invisible des temps modernes, à laquelle Gérard Mordillat va offrir un destin et un peu plus que cela encore, un rôle social déterminant. Elle a la vingtaine et enchaîne les ménages dans une entreprise de nettoyage, comme le faisaient jadis nos grands-mères dans le silence faussement pudique des familles honteuses. Mais sa condition se dégrade lorsque son compagnon claque la porte. Faute de moyens, elle traîne alors son fils sur ses lieux de travail, jusqu’au jour où elle se fait surprendre, puis renvoyer. Sans la solidarité de quelques-uns, elle sombrerait. Une amie, Blandine, lui vient en aide et lui permet d’être embauchée 
dans un supermarché, à ses côtés. Doucement la vie repart, dans le b.a.-ba d’un quotidien moins minable qu’imaginé.

jeudi 16 janvier 2014

Amis de l'Humanité: de quoi demain?

Voici le texte fixant de nouveaux horizons pour l'association, avant l'Assemblée générale du 1er février prochain.

« Dix-huit ans et pas une ride. Depuis sa création en janvier 1996, la société des Amis de l’Humanité a non seulement montré son utilité mais elle s’est surtout rendue indispensable pour, comme le stipulent ses statuts fondateurs, "ouvrir un espace de dialogues, de rencontres, de confrontations, de suggestions pour celles et ceux qui considèrent l’existence de l’Humanité comme une garantie indispensable au pluralisme".
Que de chemin parcouru.
Avec pour seule ambition philosophique la promotion des valeurs toujours vivantes de Jean Jaurès, les Amis ont derrière eux un héritage qui essaime bien au-delà du strict cadre de leurs réunions publiques. Chaque ami, par ses convictions propres et singulières, et aussi parce qu’il porte avec lui l’exigence d’une humanité meilleure, est une lanterne qui éclaire dans la nuit de notre époque. Et notre époque est cruelle pour le journal de Jaurès. Nous sommes en effet au confluent de plusieurs "crises" et "mutations" qui ne sont pas sans conséquence pour l’avenir même de l’Humanité.
D’abord une crise de civilisation, qui se manifeste en particulier par un assaut contre les idées progressistes.

vendredi 10 janvier 2014

Piège(s): de quoi l'affaire Dieudonné est-elle le symptôme?

Et si le corps collectif de la France avait oublié – perdu ? – la signification universelle de son projet républicain? Ou comment installer un humoriste 
au cœur du débat confine sinon 
à la bêtise du moins à l’inconscience politique...

Poison. Que s’est-il passé – que se passe-t-il? Un beau matin, vous vous réveillez et quelque chose dans l’air (du temps) vous a déjà crucifié. Ce n’est pas arrivé d’un coup, certes, mais vous prenez soudain conscience que le processus de déréliction a agi comme une gangrène sournoise. Jusqu’à ces coups 
de marteau un peu plus violents que les précédents. Un jour, 
un écrivain jadis adulé se met à compter les Blancs dans 
un train de banlieue – sous-entendu «il n’y a que des Noirs» – et raconte l’expérience dans un livre en évoquant la fin de «sa» civilisation, la mort de la «culture» et pour un peu la disparition de la France. Personne ne s’en étonne vraiment ; pire, certains se dévisagent le soir dans le métro, ce qui, auparavant, ne leur serait jamais venu à l’esprit. Un autre jour, un humoriste, qui fut quasiment l’un de nos compagnons de route pour lutter contre le racisme et l’extrême droite, invite un homme à monter sur scène avec lui lors d’une représentation en public ; le régisseur de cet humoriste, en tenue de déporté bardé d’une étoile jaune, remet à l’invité en question le prix de «l’infréquentabilité 
et de l’insolence», et nous apprenons que cet homme s’appelle Robert Faurisson, le tristement célèbre négationniste… Depuis? Le premier répand son ultranationalisme mâtiné de grandiloquence réactionnaire à visée maurassienne. Le second se cache derrière l’humour pour répandre, comme un poison, un antisémitisme notoire au nom d’une négritude mémorielle dont il a totalement perdu les fondements à force de frayer un chemin commun avec ses amis fascisants. Richard Millet (il y en a d’autres, mais cet exemple emblématique se devait d’être cité) et Dieudonné M’Bala M’Bala sont les deux versants d’un même symptôme. Celui d’une France dont le corps collectif a oublié – perdu ? – la signification universelle de son projet républicain.

Dieudonné. L’affaire Dieudonné nous en dit long 
sur ce «moment français» et l’état du pays qui est le nôtre, 
où des formes de communautaro-nationalismes veulent 
ruiner le pacte républicain. «Quand on a accueilli le mal une 
première fois, il n’exige plus que l’on croie en lui», disait Kafka. 
La dérive de l’humoriste mérite-t-elle condamnation? Bien sûr, 
d’ailleurs il a déjà été condamné et le sera sans doute encore, 
et tant mieux. Doit-on pour autant interdire ses spectacles? 

lundi 6 janvier 2014

Une "accélération"...

Jamais un exécutif socialiste au pouvoir n’avait à ce point donné l’impression que le renoncement était froidement programmé.

On dira ce qu’on voudra, mais une bonne partie de nos références lexicales ne tiennent plus la route. À la faveur de la nouvelle année, il n’est pas trop tôt (ou trop tard) pour s’en apercevoir. Jusqu’à maintenant, dès qu’il s’agissait de rappeler François Hollande à quelques-uns de ses devoirs soi-disant élémentaires, il était loisible – sinon crédible – de se référer en permanence au fameux discours du Bourget prononcé en janvier 2012. C’était un réflexe quasi pavlovien, une habitude surtout bien commode pour signifier l’ampleur de l’écart entre certaines des promesses du candidat socialiste et les actes réels du président élu. Chacun le sait, la référence est désormais vide de sens. Sauf à tenter d’évaluer le degré de trahison. François Hollande savait-il qu’il ne pourrait pas appliquer ses promesses? Ou ne s’est-il pas donné les moyens de les tenir? 

Qu’importe au fond. Deux ans plus tard (déjà!), le résultat revient au même. Les promesses n’étaient que mensonge, la trahison est bel et bien là. Jamais un exécutif socialiste au pouvoir n’avait à ce point donné l’impression que le renoncement était froidement programmé. Les vœux du chef de l’État en furent un exemple si caricatural que, six jours après, les mots, même les plus durs, traduiraient encore mal notre désappointement. Certains s’en félicitent, d’autres s’en étonnent, mais l’ex-ennemi de la finance – qui avait cru cela, en vérité? – est maintenant considéré comme «l’ami des patrons» (l’Express), voire carrément le «héros du Medef» (Rue89). 

mercredi 1 janvier 2014

Une citation pour 2014

« Jeunes gens, vous voulez que votre vie soit vivante, sincère et pleine. » 
Jean Jaurès
(2014 sera l'année Jaurès - tant mieux !)