mardi 24 décembre 2013

Poing(s): quand Tyson écrit ses mémoires, de ring et de fureur...

Mike Tyson, plus jeune champion du monde des poids lourds de l'histoire, se raconte dans un livre, "La Vérité et rien d’autre", qui vous laisse littéralement KO debout. La boxe vécue par un voyou qui ne cache rien...

Tyson. «J’ai trouvé Hemingway déprimant. Je me suis identifié au personnage principal de Dumas dans le Comte de Monte-Cristo. En lisant Mao et le Che, je suis devenu encore plus anticonformiste.» Quand Mike Tyson évoque son séjour en taule, après le viol de Desiree Washington pour lequel il fut condamné à six ans d’emprisonnement, il ne cache rien. Ni l’insondable sentiment de relégation – «on n’y traite pas les gens comme des êtres humains» –, ni le long chemin d’introspection vers «la vérité», qui, selon lui, fut une bénédiction, car il apprit alors à se plonger dans la pensée des autres, Nietzsche étant devenu son «maître préféré». Les philosophes? Parce qu’«ils sont politiquement incorrects» et «remettent en cause le statu quo». L’ex-boxeur, plus jeune champion des poids lourds de l’histoire (à vingt ans), parle même du viol en question, donne sa version des faits et évoque des détails d’une intimité telle qu’il enfonce les frontières du sordide. Cet épisode l’éloigna des rings pendant trois ans.

jeudi 19 décembre 2013

Juste lucide: à propos de la brutalité des choix socialistes

La politique autrement, c’est aussi la gauche autrement.

Le besoin de politique autrement. Cette exigence ne s’exprimait-elle pas dans les clameurs d’un certain jour de mai 2012, quand Sarkozy fut chassé du pouvoir? Dix-neuf mois après, l’horizon paraît bouché et le corps constitué de «la gauche» est démembré. Il avait voté pour un virage social, il a été écartelé par les forces libérales. L’heure est grave. Si grave que le début de la précampagne électorale (municipales et européennes) a de quoi nous inquiéter. Les logorrhées nauséeuses actuelles nous éloignent de l’essentiel et ne servent que l’ambiance minable du lepénisme rampant. Où est l’échange, la confrontation, le combat? On voudrait priver les citoyens d’un débat approfondi qu’on ne s’y prendrait pas autrement. L’Humanité souhaite boxer dans une tout autre catégorie, comme nous le démontrons aujourd’hui avec le face-à-face «choc» entre Marie-George Buffet et Henri Guaino...

mercredi 18 décembre 2013

Déconstruction(s): Derrida et Mandela réunis...

Quand le philosophe, inventeur de la déconstruction, évoquait sa passion du héros de la lutte anti-apartheid.

Texte de Derrida sur Mandela.
Mandela. «Sartre est-il encore vivant?» Quand Jacques Derrida rencontra Nelson Mandela à Johannesburg, en 1999, l’ex-prisonnier de Robben Island, qui avait manqué un quart de siècle d’histoire, repensa soudain à ses vieux cours de philosophie française et osa poser la question, innocemment, à son illustre visiteur, sachant que ce dernier lui accorderait volontiers sa clémence pour son ignorance. Madiba avait alors plus de quatre-vingts ans, il venait de se remarier et, selon Derrida lui-même, paraissait heureux comme un jeune homme au seuil d’une nouvelle vie». Une heure avant de discourir avec l’inventeur de la déconstruction, l’ex-premier président démocratiquement élu d’Afrique du Sud avait reçu longuement Yasser Arafat. Derrida avait assisté, stoïque, à la folie protocolaire (hélicoptère, gardes du corps, etc.) et fut très impressionné de voir son interlocuteur «frais, disponible et de belle humeur, comme s’il commençait sa journée, prêt à parler de tout, jouant à se plaindre de ne plus pouvoir décider seul de ses voyages». Mandela avait ajouté: «Plus de liberté de mouvement, je suis en prison, désormais, et voilà mon geôlier», en montrant du doigt son principal collaborateur.

Derrida. Une intuition symbolique: depuis la mort de Mandela, ne sommes-nous pas en mesure de déclarer la (vraie) fin du XXe siècle? Ici même, dans cette chronique, en 2004, le bloc-noteur un peu plus jeune avait déjà suggéré cette idée au lendemain de la disparition de Jacques Derrida, qui avait laissé ceux qui l’aimaient dans un état de sidération.

lundi 16 décembre 2013

Notation(s): l’école dysfonctionne là où l’État s'est retiré

L’école de la République, gratuite et laïque, qui fut longtemps l’une de nos institutions les plus jalousées dans le monde, 
ne parvient plus à dépasser les déterminismes sociaux. 


Norme. Vous avez sans doute remarqué, depuis quelques jours, la France va encore plus mal. Introspection. Flagellation. Jusqu’à la déraison. À la faveur de la très et trop fameuse enquête Pisa, classement établi par l’OCDE qui mesure 
les performances des élèves classés par pays, nous serions 
donc menacés de relégation. Notre Éducation, avec la majuscule qui sied à sa grandeur historique, aurait perdu son excellence 
et sa réputation universelle. L’heure est au déclassement, 
au déclinisme. Nous voilà donc entrés dans la norme, soumis aux classements internationaux dictés par des logiques qui, 
de près ou de loin, n’entendent rien au concept de République et encore moins de service public. Mais tout se note de nos jours. 
Du triple A pour les États à l’efficacité de la littérature sommée d’aligner les zéros derrière les chiffres de ventes, en passant 
par notre pouvoir de séduction ou notre capacité à juger 
en direct n’importe quelle décision gouvernementale par grand vent, la dictature sondagière et la logique de l’évaluation basée sur des critères anglo-saxons ont remplacé la compréhension savante, l’expertise collégiale et même l’esprit du temps-long qui, jadis, inspirait le commissariat au Plan et le CNRS.

samedi 14 décembre 2013

Exhortation(s): quand le pape François parle des classes...

Dans Evangelii Gaudium (la joie de l’Évangile), diffusé mardi 26 novembre, premier texte officiel publié de sa main depuis son élection sur le trône de Pierre, l’évêque de Rome offre une ligne de conduite tous azimuts, façon feuille de route.

François Ier. Être au monde dans ses mutations ne va pas sans soubresauts, ni hésitation. Ici, non pas la chronique de la peur mais contre la peur, quand la solitude se brise par la grâce d’espoirs sollicités. Voici le temps de l’aveu, celui qui doit inciter à l’optimisme malgré les périls en vue et les éventuelles déceptions. Que craindre le plus, en effet: l’effroi prévisible des consciences ou le combat des hommes en tant que potentialité? Bien sûr, gardons-nous toujours d’un enthousiasme trop aveuglé par la puissance symbolique des actes et des mots. Mais, une fois encore, le pape François vient de nous surprendre plutôt agréablement. Pourquoi devrions-nous le taire et tenir à distance des informations assez importantes, qui, en tout orgueil, confortent nos impressions initiales? Dans Evangelii Gaudium (la joie de l’Évangile), diffusé mardi 26 novembre, premier texte officiel publié de sa main depuis son élection sur le trône de Pierre, l’évêque de Rome offre une ligne de conduite tous azimuts, façon feuille de route, qui dépasse de loin les gestes inédits et autres phrases qu’il avait pu distiller çà et là, à la grande stupéfaction des conservateurs de la curie. Dans cette première «exhortation apostolique», qui pourrait faire date, François Ier appelle l’Église à s’ancrer dans la société. Une idée banale, direz-vous. Moins qu’il n’y paraît.

vendredi 13 décembre 2013

Prostitution: pourquoi l'abolition

Puisqu’elle génère en tant que telle 
un système porteur d’une double violence, sociale et sexuelle, la prostitution sera abolie, tôt ou tard.
Faites le test. Si vous croisez l’un des signataires du «manifeste des 343 salauds» – comment mieux nommer ces gens-là d’ailleurs? –, posez-lui cette simple question: «Aimeriez-vous que votre fille soit prostituée et se fasse chevaucher vingt à trente fois par jour?» Vous constaterez alors que l’impudeur intellectuelle de ces courageux de salon ne franchit jamais le seuil de l’indécence contre eux-mêmes. Curieux, cette forme de courage pseudo-romantico-libertaire mâtiné de consumérisme qui consiste à imposer aux autres une réalité qu’on ne veut pas voir chez soi… Après des semaines de débat où la mauvaise foi aura cohabité avec l’inacceptable, jusqu’à cette sordide pétition publiée dans Causeur, la revue ultra-réac d’Élisabeth Lévy, démolissons sans crainte certains arguments hypocrites et imbéciles qui insultent notre intelligence.

jeudi 12 décembre 2013

Footballeur(s): du comportement des Bleus...

Que se cache-t-il derrière une victoire? Qu'un nouvel état d’esprit est peut-être le meilleur garant contre le divorce entre les citoyens et ceux qui doivent mouiller le maillot...
Bleus. Une éthique de vie, ça ne se monnaye pas, ça s’apprend et se partage. Laissons de côté les qualificatifs qui, forcément imparfaits à l’heure de l’étrangeté sportive, ne feraient que réduire la portée d’un moment plus important qu’il n’y paraît. Certains continuent de s’en désoler, d’autres montrent leur joie sincère : les Bleus de France représenteront donc le Coq en juin prochain au Brésil. Franchement, l’un des creusets mythiques du football mondial pouvait-il accueillir la fête du ballon rond, en un temps de reconnaissance des pays dits « émergents », sans l’un des représentants les plus fondamentaux? De Coubertin (inventeur des Jeux modernes) à Jules Rimet (créateur du Mondial), la France est en effet la mère du sport en tant que genre universel. Mieux, elle reste la langue maternelle de l’expression de l’émancipation internationaliste par la pratique sportive censée véhiculer des valeurs d’amitié entre les peuples… De bien grands mots, direz-vous. Rappelons-nous simplement que, par son universalité, le foot ressemble à un monde en expansion qui crée des personnages et des événements à la démesure de notre époque.

mercredi 11 décembre 2013

1995, à l'Ellis Park: Nelson et François

Il y a dix-huit ans, l’Afrique du Sud organisait la Coupe du monde de rugby et remportait l’épreuve. Bien plus que du sport… Revoici l'un de mes articles de l'époque...

Johannesburg (Afrique du Sud), envoyé spécial.
L’Ellis Park est un drôle de royaume-liberté à l’heure où, plongeant dans le demi-clos, la nuit tombe sur Johannesburg, cité des lumières retrouvées. C’est une nuit belle comme une symbolique du jour. Une nuit qui se lève. Là, face à face sous les projecteurs crus, se regardant comme jamais ils n’auraient pu le faire auparavant, deux hommes se congratulent, ajoutent quelques mots à leurs larmes contenues, se livrent une poignée de main longue, intense, pleine d’espoir. C’est l’émotion du siècle à venir qui tue la honte d’un autre. Changement.

Nelson Mandela, le président. François Pienaar, le capitaine. Et toute l’Afrique du Sud en eux, comme un rêve impossible. Le premier — « l’un des plus grands personnages de l’histoire de l’Homme », comme nous le disait récemment le joueur français Laurent Cabannes —, avec ses yeux des grands jours pleins de reconnaissance sage, témoin d’un passé de luttes, du triomphe sur l’immonde. Le second, descendant d’une nation de Blancs qui ne voulait rien céder et qui, fils spirituel d’une destinée plus forte que la haine, s’en vient aujourd’hui honorer le premier citoyen de l’état, un Noir.

mardi 10 décembre 2013

Mandela: pourquoi nous serons vigilants

Nous exaspère aujourd’hui l’idée que, dans le flot de paroles, parfois illégitimes, certains opportunistes de la dernière heure tentent de domestiquer sa pensée pour mieux la vider de son sens.
Parce que «l’après» s’ouvre toujours sur un continent à découvrir, les heures qui suivent le surgissement d’un événement planétaire sont souvent les plus instructives pour le cheminement de l’esprit humain. Quatre jours que Nelson Mandela s’en est allé, et déjà une information rare – donc précieuse – s’impose à tous par l’éclat de sa vérité. Madiba nous unit dans la mort comme, jadis, il nous avait unis dans la vie. Sa beauté politique et morale réussit l’impossible. L’ampleur de l’émotion qui continue de parcourir les peuples (nous parlons bien là des peuples, pas de certains dirigeants ou de people convertis sur le tard) ne dit rien d’autre que l’espérance sincère des citoyens du monde en l’avènement d’une humanité meilleure. Un peu comme si le vieux rêve de Jaurès était universellement honoré par les échos collectifs qui se répondent soudain de pays en pays, dans toutes les langues et au nom des convictions de résistance, d’égalité et d’émancipation. N’en refusons pas l’augure. Autour de la figure d’un homme et de ses multiples combats qui furent toujours nôtres, voici l’apparition nouvelle 
d’une internationale de l’espoir. 
«Par l’exemple, ou l’exemplaire, Nelson Mandela», disait Jacques Derrida…